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Tsav 5777

Dracha prononcée le 7 avril 2017 par Dominique Lejoyeux

Cette semaine nous lisons la 2eme paracha du Lévitique, la paracha Tsav, qui poursuit l’étude  des korbanot. Si Vayikra s’adressait au peuple et nous décrivait les différents sacrifices, Tsav par contre  s’adresse aux cohanim (Aharon et ses fils) pour leur donner les lois et les règles du rituel. Nous lisons Ch7 verset 38) « tel est le rite selon lequel l’Éternel le prescrivit à Moshé au Mont Sinaï , alors qu’il ordonna aux enfants d’Israël d’apporter leurs offrandes à l’Eternel ».

Sont cités dans l’ordre,  au verset 2 l’holocauste (zot torat ha ôla), au verset 7 l’oblation (vezot torat ha minha), au verset 12 le sacrifice du GP (zot korban aarone), au verset 18 l’expiatoire  (zot torat ha hatat),  au verset 1 du ch 7 l’offrande délictive (zot torat ha acham), et au verset 11 le sacrifice rémunératoire (zot torat zevah ha chelamim) sacrifices apportés soit à titre collectif, soit à titre individuel. Même si le sacrifice apparaît d’abord dans la Genèse comme un acte spontané émanant d’une initiative personnelle. Dans notre paracha, il est dit Tsav « ordonne »,:ce don, animal ou végétal, pour être agrée par l’Eternel, doit être précisément encadré au niveau du rituel.

Je rappelle rapidement, car ces notions ont déjà été abordées lors des différentes drachot sur la paracha Vayikra le sens des différents sacrifices:

1-L’holocauste ( ‘ola ) est offert quand un péché a été commis en pensée ou quand l’accomplissement d’une mitsva a été simplement omis. Il est entièrement consumé

2-L’‘oblation : (ha-Minhat) qui bien que faisant partie des sacrifices, est indépendamment offerte tant pour la communauté que à titre individuel. Elle est composée de fleur de farine de blé, sauf le Omer fait à base d’orge, d’huile, d’encens (la ketoret) que l’on fait fumer comme odeur agréable à l’Eternel .cette offrande est mangée sous forme de matsot sur le parvis de la Tente d’assignation.

On distingue 3 types d’oblation :

  • l’omer du balancement offert sur l’autel le 16 Nissan pour permettre la consommation de la nouvelle récolte
  • les 2 pains présentés sur l’autel le jour de Chavouôt
  • les pains de proposition offerts tous les samedis

3-Le sacrifice expiatoire (‘hatath), il est réservé aux cas où un péché a été commis involontairement, par erreur ou par mégarde.

4-Le sacrifice délictif (acham) est offert en expiation d’un crime de sacrilège ou d’un faux serment relatif à un objet volé, soustrait ou ravi, ou dans certains cas limites tels que celui d’un doute sur un péché commis ou non, celui du mariage d’un esclave juif avec une esclave cananéenne non affranchie, celui d’un nazir devenu impur ou d’un lépreux purifié de sa lèpre.

5- Le sacrifice rémunératoire (chelamim) constitue l’offrande présentée à Hachem à l’occasion d’un voeu formulé en Son honneur, d’une action de grâce pour un bienfait dont on il a été l’objet, de la célébration d’une fête de pèlerinage, ou encore à la fin d’une période de naziréat.

Notre paracha distingue :

  • les sacrifices dits Kodché Kodachim ou sainteté de premier ordre, dans lesquels les animaux  sont abattus dans la partie Nord de l’autel. Ce sont  le ola, le Hatat, le acham, et le sacrifice des 2 agneaux offerts à Chavouôt.
  • les sacrifices  dits Kodachim Kalim (sainteté de 2eme ordre), dans lesquels  les animaux sont abattus  partout dans le parvis du beit ha mikdach. Ce sont les chelamim individuels qui sont au nombre de trois :
    • le Pessah,
    • le bekhor en l’honneur du 1er né mâle
    • et le maasser: la dîme des animaux.

Nous allons nous intéresser au dernier type de sacrifice cité, les sacrifices de paix, Chelamim, et parmi eux au korban toda (action de grâce pour un miracle).

D’’une manière générale ces sacrifices, quand ils sont individuels, sont apportés à des moments de fête ou de joie personnelle ou familiale. Une part  de l’animal apporté était consumée pour D.ieu sur le misbéa’h, une part était consommée par les prêtres qui étaient en charge des sacrifices, et une part était consommée par celui qui avait offert le sacrifice. Ils sont destinés à rétablir la paix entre la créature et le créateur, entre l’homme et son prochain, entre l’individu et sa conscience.

Chelamim, c’est le pluriel de Chalom, paix comme chacun le sait. Dans l’énumération il figure en dernier, et on retrouve ce positionnement dans un autre verset où les chelamim sont cités dans le livre des Nombres Parachat Pinh’as (29, 39). « Tels seront vos sacrifices à l’Eternel lors de vos solennités, sans préjudice de vos offrandes votives ou volontaires, de vos autres holocaustes, oblations et libations, et de vos sacrifices rémunératoires ».

Ce positionnement n’est pas dû au hasard car selon un dicton « A’harone a’harone haviv« , « Le dernier est celui qui est le préféré ». de fait, un midrach, raconte que les représentants des Nations du monde  ont  questionné Bilam, leur prophète : « Pourquoi ne nous a-t-on pas prescrit de faire le sacrifice Chelamim ? » Bilam leur répondit : « Il n’y a que le peuple juif, qui a reçu la Torah, qui peut faire ce sacrifice, car c’est le sacrifice de la paix, or vous, vous  n’avez pas la Torah » (Tan’houma, Tsav 4)., et  « La Torah est le seul moyen d’être saint dans notre monde physique, en élevant la matière vers D.ieu. » Les Bné-Israël parviennent, grâce aux prescriptions de la Torah et au sacrifice Chelamim, à faire le lien entre notre monde physique et le monde d’en-haut, à élever la matière vers ce qu’elle a de plus spirituel.

Mais quel est le rapport avec la paix, dont Bilam, prophète des nations, fait mention dans sa réponse ? C’est que Bilam n’ignorait pas la conception des sages d’Israël concernant la paix : la paix, c’est ce qui permet l’harmonie entre deux éléments qui semblent opposés. La paix, c’est l’harmonie entre le ciel et la terre.

Rabbi Chimone ben Yohaï enseigne : grande est la paix car toutes les bénédictions sont contenues en elle, ainsi qu’il est dit : (Psaumes 29,11) ‘HaChem donne la force à son peuple, HaChem bénira son peuple par la paix’.
Rabbi Yossi Le Galiléen enseigne : grande est la paix, car même,en temps de guerre on ne commence que par la paix, ainsi qu’il est dit : (Deutéronome 20,10) ‘Quand tu t’approcheras d’une ville pour lui faire la guerre, tu l’appelleras d’abord à la paix.’
Rabbi Youdan bar Rabbi Yossi enseigne : grande est la paix, car le Nom du Saint Béni Soit-Il est paix, comme il est dit : (Juges 6,24) ‘Gédéon construisit un autel et l’appela HaChem, Paix’
Rabi Ichmaël enseigne : grande est la paix, car en ce qui concerne le Grand Nom écrit dans la sainteté, le Saint Béni Soit-Il a autorisé qu’il soit effacé afin que soit réalisée la paix entre un homme et son épouse. ( épisode de la femme sota).


La paix avec le prochain, la paix avec Dieu. C’est le principe des chelamim. De la paix il est dit par ailleurs que c’est le seul réceptacle qui peut retenir la bénédiction.

Pourquoi ce sacrifice est il si important ?

Ecoutons le commentaire de Rachi sur le verset (Vayikra3:1) ve hikriv mizbeah ha chelamim, je cite
“car ils apportent la paix dans le monde,” ou autre explication: car il y a en eux la paix pour l’autel  (pour D.) et pour les prêtres et pour les propriétaires (tous trois reçoivent une part). Ces deux explications basent le sens de  « shelamim » sur le mot « shalom » ou la paix.

Rashbam (petit fils aîné de Rachi)  en fait une autre lecture en s’appuyant sur le sens  de shalem payer, « il a promis et doit payer pour son vœu ».

On remarque donc que selon ces interprétations, le shelamim n’a rien à voir avec l’absolution du péché. mais se manifeste  comme expression du bonheur  public ou privé et de l’émotion spirituelle, Devarim 27,  7, »Et vous le sacrifierez, et les mangerez, enjoués devant l’Éternel, votre Dieu ». ils proviennent d’une action volontaire personnelle. Par conséquent, il n’y a pas de mitzva contraignante pour les générations futures nécessitant un shelamim, à une exception près – l’offrande de  Shavu’ot.

Parmi les chelamim, arrêtons nous sur  le korban toda  action de grâce pour un bienfait dont on a été l’objet (toda), qui est régi par des lois spécifiques.

En effet,ce korban toda est une obligation pour tous ceux qui ont vécu un miracle personnel, et cela dans quatre cas, fixés par nos maîtres (cf. Rachi Lévitique 7 ; 12)

  • Des voyageurs en mer qui sont parvenus à bon port.
  • Ceux qui ont dû traverser le désert et qui ont pu en sortir.
  • Les détenus qui ont été libérés de leur captivité.
  • Celui qui s’est relevé d’une sérieuse maladie.

A l’époque du temple, l’offrande de reconnaissance (korban toda) avait comme caractéristique deux lois particulières :

Le sacrifice était accompagné de quarante pains, dont dix pains levés (‘hamets) et trente pains azymes (matsa).
un pain, de chacune des sortes offertes sera prélevé pour le cohen qui aura fait le service pour cette offrande, le reste des pains devant être consommé par celui qui l’apporte dans sa totalité avant l’aube du lendemain du sacrifice. Celui qui avait apporté l’offrande avait donc un jour et une nuit pour la consommer. ce peu de temps pour consommer toute cette profusion de pain imposait au donateur de venir se réjouir avec toute sa famille et tous ses amis.

Le Maharal explique : Pourquoi fallait-il que l’offrande Toda soit accompagnée de pains levé (‘hamets) et azymes (matsa), alors que les oblations sont toujours azymes ? Pourquoi si peu de temps pour le manger ?

Ces deux sortes de pains sont opposées et on les offre ensemble. C’est une façon, pour celui qui offre Le korban Toda, d’exprimer l’unité de D.ieu, qui Lui aussi contient tous les contraires. C’est aussi, on le sait, l’occasion d’exprimer deux symboles classiques : Le‘hamets symbolise la difficulté et la matsa la délivrance. Il est dit que ‘Au temps messianiques tous les sacrifices cesseront (car ils expient les fautes) – mais le sacrifice de reconnaissance (korban toda) ne cessera jamais’ »(Vayikra Rabba 9 ; 7).

Le délai court imparti imposait qu’une foule nombreuse soit présente pour remercier l’Eternel du ou des miracles accomplis.

Rabbi Zadoc Hacohen de Lublin, rabbin lituanien du 19 ème siècle explique :
Le korban toda ne sera jamais aboli car il représente l’offrande la plus profonde, celle qui remercie D.ieu. Il reste donc nécessaire de tous temps, même à une époque où l’homme atteindra la plénitude dans sa relation avec D.ieu.

De nos jours, alors que nous n’avons plus la possibilité d’apporter l’offrande de reconnaissance, les personnes qui auraient vécu le même genre d’expérience et de miracle sont tenus de réciter la bénédiction dite « Hagomel » au moment de la lecture de la Thora (cf. Choul’han Arou’h Ora’h ‘Haïm chap. 219).

Ceci m’amène à la dernière partie de mon exposé : que reste t il des sacrifices dans notre liturgie ? car chacun sait que depuis la destruction  du Temple, la prière  et l’étude de la Torah ont remplacé les sacrifices. Où trouvons nous trace des sacrifices dans notre rituel ?

1- Tout d’abord dans l’élaboration du calendrier journalier des horaires de prière.
“ à quel moment précis doit-on réciter le chema”, quand doit-on commencér l’office de Minha, à quelle heure débuter Arvit? A toutes ces questions nos Maîtres ont donné des réponses, qui s’appuient sur la réminiscence des heures de sacrifices au Temple tout au long de la journée.

(Bérakhote 26 b) :  La prière de cha’harite ne peut se faire que jusqu’à la fin de l’heure où cessait le sacrifice du matin, min’ha est située dans les heures du sacrifice de la fin de l’après-midi,  par contre Ârbite peut se dire toute la nuit parce qu’on brûlait toute la nuit les membres et les graisses des sacrifices  de la journée.


Sans faire un catalogue exhaustif,

lors de l’office de Chaharit :

Dans les offices traditionnels avant les bénédictions du matin sont récités les Korbanot, lecture faisant référence à la Akéda d’Isaac et à l’instauration par D. du sacrifice des deux agneaux, celui du matin et celui du soir. Pourquoi? car lors de cette lecture l’Eternel se souvient de la ligature d’Isaac, et parce que cette pratique s’appuie sur le Midrach de Babylone traité Méguila que nous lisons à l’occasion des Fêtes. Abraham s’adresse à D. et lui demande comment le peuple d’Israël sera pardonné de ses fautes lorsqu’il n’y aura plus de temple?

Dieu lui répondit  : « J’ai instauré l’ordre du service des sacrifices. Tant que cet ordre sera lu rituellement, Je considérerai cette lecture comme s’il s’agissait d’un sacrifice et J’accorderai alors l’expiation de toutes leurs fautes. Toutes, ce qui veut dire que  la récitation des Korbanot remplace tous les sacrifices y compris les sacrifices de reconnaissance.

La récitation journalière et le jour du chabbat du Psaume 100 : Mizmor le Toda fait référence au Psaume chanté lors de l’offrande du  Korban toda.


La Âmida, il faut la lire  attentivement en pensant que c’est par sa récitation que nous avons remplacé le service du Temple. en référence au Prophète Osée” 14,3 “Fais grâce entière à la faute, et agrée ce que nous avons de bien : nous voulons remplacer les taureaux par cette promesse de nos lèvres”. ’Elle commence par “ouvre mes lèvres Eternel et que ma bouche proclame ta louange,” tiré du  Psaume 51,17, et se termine par “ entends ma prière, agrée les paroles de mes lèvres et les sentiments de mon coeur”  car Nous devons demander à D. l’agrément de notre prière sous peine de la voir rejeter. Souvenons nous du sacrifice de Caïen, ou du feu  dévorant apporté par Nadav et Avihou.

Tout au long de la Âmida nous faisons référence à la reconstruction de Jérusalem et du Temple, puis dans la bénédiction qui débute par Retsé, nous formulons le souhait de pouvoir de nouveau assurer la avodat Ha-Chem et exprimer notre sentiment de gratitude pour les dons déjà reçus.

L’Office de Moussaf
les sacrifices supplémentaires  les nossafim offerts chabbat, les jours de Néonémie, les jours de fête, et le bouc expiatoire de Kippour expliquent que nous ne récitons la prière de Moussaf que lors de ces offices, et que la Âmida comporte des additifs faisant référence aux sacrifices passés mais également  à venir.
le Ein Kéloëinou  que nous chantons à la fin de l’office fait lui écho au service de la Ketoret ( encens brûlé avec le korban)

L’office de Minha
Par définition il correspond au sacrifice  quotidien de l’AM, c’est presque l’un des offices le plus importants de la journée, car c’est pendant cette dernière période appelée “l’heure de miséricorde” que la prière du Prophète Elie sur le Mont carmel fut agréé.

Cette petite énumération non exhaustive n’avait pour objectif que de nous faire prendre conscience de la place importante qu’occupe dans notre liturgie la mémoire du sacrifice, les sacrifices ont une valeur symbolique et spirituelle et une importance qui les rend applicables partout, et toujours n’est il pas dit qu’ils sont :

“Houkat olam ledorotam” loi perpétuelle pour toutes les générations.

Chabbat ha gadol mevorah

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