Par Noé
Je porte aujourd’hui un collier porté par beaucoup d’entre nous depuis le 7 octobre 2023. Ces colliers sont censés attirer notre attention sur le massacre perpétré le 7 octobre par le Hamas et lutter pour le retour des otages et des soldats. C’est un signe pour garder le moral, l’espoir et comme souvent dans notre tradition « se souvenir ».
Je me demande si ce geste un peu superficiel peut atteindre ces objectifs…
Pour répondre à cette question, je me suis penché sur la Paracha Tetzavé, « tu ordonneras ». La Torah décrit ici, la manière dont les habits du Cohen Gadol devaient être confectionnés.
Huit vêtements aux propriétés remarquables.
Les quatre premiers habits du Cohen Gadol étaient à peu près similaires à ceux que portaient les Cohanim ordinaires. Les quatre habits supplémentaires étaient : un manteau ; le pectoral orné de 12 pierres précieuses, gravées avec le nom des 12 tribus ; l’Ephod, un tablier retenu par une ceinture et deux bretelles brodées d’une pierre avec les 12 noms des enfants d’Israël, et une plaque d’or portée au front sur laquelle était gravé le Nom divin.
Ces vêtements sont décrits avec des règles très précises.
Pourquoi la Tora nous donne-t-elle autant de détails sur quelque chose qui paraît superficiel ?
Le texte nous donne quelques réponses :
וְעָשִׂיתָ בִגְדֵי-קֹדֶשׁ, לְאַהֲרֹן אָחִיךָ, לְכָבוֹד, וּלְתִפְאָרֶת
« Tu feras confectionner pour Aaron ton frère des vêtements sacrés, insignes d’honneur et de majesté» (Exode 28,2)
Leur rôle est donc de conférer gloire et beauté à celui qui les porte, ils doivent être à la hauteur de leur fonction et impressionner ceux qui les voient.
Mais ensuite le verset explique
וְעָשׂוּ אֶת-בִּגְדֵי אַהֲרֹן, לְקַדְּשׁוֹ–לְכַהֲנוֹ-לִי
« et ils feront les habits d’Aaron afin de le consacrer à mon sacerdoce » (Exode 28,3).
Rachi explique que le mot « kehounah » lui-même signifie « service ». Les habits permettent ainsi aux prêtres de se consacrer avec dignité et grandeur au service de Dieu. Leur mission englobe la célébration, la réalisation d’offrandes quotidiennes de Chabbat, Roch Hodech, des fêtes et l’éducation du peuple.
L’ordre donné par la Torah est que le Cohen réalise le service tout en portant ces habits, et lui défend de le réaliser si un seul d’eux manquait.
Mais comment ces habits aidaient le Grand Prêtre à exercer son rôle?
Le Talmud nous enseigne que de la même manière que les sacrifices expient, les habits des Cohanim ont également un effet expiatoire. Chacun des habits a ses propriétés expiatoires.
On apprend ainsi que la tunique par exemple, expiait le meurtre, comme on le voit dans l’épisode des frères de Yossef, après l’avoir vendu ils « trempèrent la robe dans le sang ».
De plus, deux des vêtements du Grand Prêtre portent les 12 noms des tribus. Effectivement, les 12 noms sont gravés sur les épaulières et le pectoral.
Pourquoi?
Aaron, le grand prêtre, doit porter sur ses épaules deux bandes incrustées de bijoux, gravées des noms des 12 tribus d’Israël. Elles doivent être portées « comme des pierres en souvenir du peuple israélite, dont Aaron portera les noms… en souvenir devant Dieu »
וְשַׂמְתָּ אֶת-שְׁתֵּי הָאֲבָנִים, עַל כִּתְפֹת הָאֵפֹד, אַבְנֵי זִכָּרֹן, לִבְנֵי יִשְׂרָאֵל; וְנָשָׂא אַהֲרֹן אֶת-שְׁמוֹתָם לִפְנֵי יְהוָה, עַל-שְׁתֵּי כְתֵפָיו—לְזִכָּרֹן
(Exode 28,12)
Il est interessant de noter que le mot « souvenir » est écrit deux fois dans le même verset!
Je pense que les pierres constituent un rappel. Le Grand Prêtre doit à chaque instant se souvenir du Peuple d’Israël. Il porte sur lui, sur ses épaules, le poids de l’unité du peuple d’Israël, ce peuple qu’il porte également dans son coeur.
Ces vetements infusent chez celui qui les porte une prise de conscience de ses responsabilités, afin de l’encourager et de le guider dans ses actions. Mais pas seulement sur celui qui les porte!
Dieu aussi se souvient…
לְזִכָּרֹן לִפְנֵי-יְהוָה, תָּמִיד
Nous lisons :
« en souvenir devant le Seigneur » (Ex. 28,29)
Sforno, Rabbin et médecin du xv s., explique que les noms des tribus sont là, afin que Dieu se souvienne toujours des mérites des pères fondateurs du peuple juif et traite favorablement son peuple.
Les Cohanim incarnent le lien entre le peuple et Dieu, et les vêtements jouent un rôle particulier dans cette connexion.
Pour être plus clair, les vêtements faisaient office de rappel.
Le fronteau, fait d’une plaque d’or sur laquelle est gravée « Consacré à l’Éternel » est destiné à rappeler au Grand Prêtre, en permanence, la dimension de sa charge et de sa responsabilité.
Cette prise de responsabilité est viscérale, on la ressent personnellement, au plus profond de nous, et elle est loin d’être superficielle.
Ainsi les vêtements renforcent la conscience du Grand prêtre, du peuple et de Dieu.
Aujourd’hui jour de ma BM, je porte de manière viscerale différents habits remarquables, et je me sens un peu “Cohen Gadol”.
J’ai mis mes tefilin pour me rappeller mon lien avec Dieu , pour me souvenir de mon histoire, mes valeurs, mon attachement à la Torah. Je suis envellopé par le tallith, symbole des Mitzvot et la Kippa me guide dans ma perception de la présence de Dieu.
Et enfin je porte ce pendentif, pour ne jamais oublier…
Ainsi mes vêtements aujourd’hui ne sont pas simplement extérieurs, ils s’inscrivent dans mon corps, ils déterminent ma façon d’être et mon identité. Ils me permettent de m’engager dans une tradition qui se renouvelle sans cesse pour percevoir notre monde d’une certaine manière et agir en conséquence.
Et comme le faisait autrefois le Cohen Gadol, être capable d’accomplir des tâches de responsabilité auprès de ma famille, mes amis et ma belle communauté.
Retrouvez ici le commentaire de la paracha Tetsavé 5784 par le rabbin Josh Weiner