Un regard sur les textes de Benno Gross, par Jeanne Favrat
Dans le cours de l’histoire de notre humanité, le 7 octobre, nous a rendu contemporains d’un évènement que nous pouvons nommer je pense, « l’incarnation du mal ».
Sans inspiration pour préparer cette dracha, j’ai alors ouvert un livre de Benno Gross: « Choisir la vie » avec en sous-titre : le « Judaïsme » à l’épreuve du monde. Je ne vais pas en faire un compte rendu car, une dracha en cinq minutes ne me permet que de reprendre au passage et seulement dans l’introduction du livre, quelques réflexions qui m’apparaissent d’actualité.
Benno Gross a écrit en 2013 :
« La civilisation occidentale est condamnée non à la décadence mais à la destruction. Seule la recherche de la juste mesure – de la juste distance – préservera les démocraties des dangers qui les menacent. Le plus important étant de mettre en relief ce qui relie les hommes entre eux ainsi que le lien avec les générations du passé. »
Affleure alors cette question universelle : D’où venons-nous ? Où allons-nous ?
Benno Gross nous répond : « L’humanité n’existe que lorsqu’elle s’inscrit dans une communauté qui la précède ce qui nous conscientise dans la participation à un universel.» Je relève : « L’existence juive est le symbole d’une existence en exil sur sa terre. Nous sommes aujourd’hui encore le paradigme de l’inachevé de l’univers.» Ceci est déjà évoqué dans la Torah, au tout début de Berechit genèse par l’absence de l’aleph. D’où, la nécessité de la recherche du lien à développer en fraternité.
Je relève encore : « Le peuple juif vit dans sa chair un arrachement qui est le signe de la rencontre de l’humain et de l’Absolu. Ceci laisse apparaître comme une brisure de l’Absolu, une cassure qui révèle l’absence de l’Un dont nous n’avons qu’une trace car nous vivons dans un monde inachevé.
«Un monde suspendu » nous dit la tradition! D’où, le Judaïsme vit à l’épreuve du temps, l’exigence d’une relation fraternelle qui s’efforce d’éviter la confusion.
Le devoir et le rôle du’Israël témoigne, par sa volonté de vie et de survie. Face à toutes les lâchetés et les humiliations, il porte un message : L’humanité est un projet qui doit préserver le particulier au niveau de l’histoire mais aussi la spiritualité, afin de sauvegarder pour l’humanité entière une liberté physique et spirituelle…C’est le devoir et le rôle du peuple d’Israël qui a l’obligation de prendre racine, dans la transmission de ses générations.»
En 2013, Benno Gross écrit encore :
« La crise actuelle doit nous servir de tremplin pour une sortie sur de nouvelles perspectives, ceci réclame une sagesse où l’universel tient compte de la singularité des différences, et ce n’est pas sans ancrage dans un rapport à être avec la transcendance, car le particularisme est une condition essentielle pour la réalisation de l’universel !
Il existe donc une différence entre Israël et les nations, entre le créateur et la créature. Alors, Comment définir israël en tant que nation ?
Si Dieu invite à l’union, l’union n’est pas une unification. Chaque personne est singulière et c’est le signe et la garantie d’une valeur spirituelle. D’où, il ne s’agit pas d’annuler les différences, mais de les dépasser par une action créatrice. C’est la diversité qui constitue la loi du monde. »
Et ceci nous renvoie à nouveau à Aristote et Maïmonide qui ont soulignés combien la recherche du sens de la mesure nous est imposé. Benno Gross soulignant combien la crise de notre civilisation est le refus de la limite !
En conclusion, Benno Gross nous rappelle que nous devons obligatoirement et en tout, personnellement et collectivement, rechercher à vivre le sens de la limite en nous préservant personnellement et collectivement contre toutes les tentations de la démesure.
Sans oublier que toute vérité se construit dans et à partir de la particularité.