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Paracha Terouma 5782

La paracha de cette semaine décrit la construction du michkan, le tabernacle dans le désert. Ces instructions données à Moché constituent la partie centrale du récit de la Torah, et elles sont répétées plus tard par Moché au peuple, et enfin répétées une troisième fois lorsque la construction se déroule vraiment. Comme Yeshayahu Leibowitz aime à le souligner, la création du monde est décrite en trente-quatre versets, tandis que le récit de la construction et la consécration d’une petite tente faite de peaux d’animaux occupe la moitié du chumash. Ces détails posent un défi. Je sais que lorsqu’un garçon ou une fille apprend que ce sera sa paracha de bar-mitsva, il ou elle, en général, se sent déprimé/e. Mais pour un rabbin, les détails sont une invitation. Alors, examinons certains d’entre eux. 

La paracha commence par un don, une terouma. Il y a une liste de quinze types de matériaux que les gens devaient offrir : de l’or, de l’argent, du cuivre, des textiles colorés, des bijoux et la peau d’un animal appelé tachash, qui est traduit alternativement par ‘’caméléon’’, ‘’dauphin’’ ou ‘’licorne’’. Vers la fin de la liste se trouve du bois d’acacia. La remarque de Rachi sur cette liste est la suivante : comment ont-ils pu avoir du bois dans le désert ? Les pierres précieuses et les peaux de dauphin ne le dérangent pas, mais sa perception du désert était comme si celui-ci était complètement stérile. La réponse de Rachi, dérivée du midrash, est la suivante : lorsque Jacob est descendu de Canaan en Égypte, il savait par prophétie que ses descendants passeraient par le désert, et auraient besoin de construire le michkan, il a donc planté des arbres d’acacia à cet endroit pour qu’ils puissent les utiliser.  Quand je vivais dans un kibboutz au sud du désert du Néguev, j’étais fier d’en savoir plus que Rashi : je voyais que les acacias poussaient dans le désert, et Rashi, qui vivait en France, ne le savait pas ! Maintenant, je suis moins fier, et j’essaie de trouver la raison qu’il a donnée à ces histoires. 

Les raisons données pour ces histoires sont la clé. Il y a un midrach que j’aime bien à propos de la construction du Michkan :

הראה הקב”ה למשה אש ירוקה אש שחורה אש לבנה אש אדומה. אמר לו, ככל אשר אני מראה אותך וגו’… כך אמר משה לפני הקב”ה – רבונו של עולם, יש לי אש ירוקה אש שחורה אש לבנה אש אדומה? אמר לו: אתה בסמניך ואני בכבודי.

Dieu montra à Moïse du feu vert, du feu noir, du feu blanc et du feu rouge, et lui dit : “Construis-le comme ça !” Moïse a demandé à Dieu : ” Où puis-je trouver du feu vert, du feu noir, du feu blanc et du feu rouge ? “. Dieu lui dit : “Tu as tes symboles et moi j’ai ma gloire.” 

La vérité de Dieu est brûlante et impossible à saisir, et il ne nous reste que des reflets et de pâles symboles. Pour accéder au feu, il faut généralement prendre les symboles au sérieux et chercher des reflets de la vérité. C’est ce que fait Maïmonide dans la troisième section du Guide des Égarés, en expliquant que chaque détail du michkan est un code menant à des vérités philosophiques. Par exemple, on peut dire que les chérubins qui couvrent l’arche d’alliance sont un symbole de la possibilité d’une inspiration prophétique, leurs ailes sont levées pour enseigner que l’inspiration vient de Dieu, et ils sont deux pour enseigner que les prophètes et les anges ne sont pas eux-mêmes le seul vrai Dieu. Abarbanel explique le même symbole, mais le traduit différemment : les chérubins sont des modèles de nous, leurs ailes sont levées pour montrer que notre esprit doit être consacré à Dieu, tandis qu’ils sont face à face pour montrer l’importance de l’amour et de la solidarité entre tous.

Pourquoi tout cela est-il important ? Pour moi, le symbolisme du michkan est immense — il symbolise la religion elle-même. Il y a un changement dans notre paracha, qui abandonne la relation individuelle et spontanée avec Dieu qui caractérisait toute la Torah jusqu’à présent, en faveur des rituels et des lois précises du michkan. Toutes les critiques que nous avons aujourd’hui de la religion organisée commencent dans les détails de la construction du michkan. Et je pense que les quelques excuses qu’on peut trouver pour justifier la persistance de la religion, malgré ses problèmes, peuvent également être trouvées là. Les mêmes symboles doivent être continuellement réinterprétés, pour voir les mêmes reflets du feu sous un regard nouveau. La religion, comme le michkan, était une entreprise communautaire, chaque personne faisant don des matériaux et des compétences dont elle était capable. Notre capacité à donner détermine la forme que prendra la structure. Certaines parties de la religion sont obscures, comme les peaux de dauphins, et d’autres sont évidentes, comme le bois. Certains pensent aux générations futures, plantant des arbres en chemin, et d’autres découvrent des arbres déjà là, qui les attendent. Les règles et les rituels entourent un espace caché, le saint des saints, et à l’intérieur se trouve une clé pour l’inspiration. Il ne doit pas être trop facile d’y accéder, tout ne doit pas avoir de sens, et le mystère doit rester entier. Les rituels sont parfois un chemin, parfois une diversion, mais au cœur se trouve la possibilité de rencontrer la présence divine. Tout le monde ici, ce soir, est là pour une raison différente, et peut-être que la raison de ce soir est différente de celle de la semaine dernière, ou encore de l’année dernière. Mais au fond de nous, il y a la certitude que les symboles cachent quelque chose qui vaut la peine d’être recherché. Chabbat shalom !

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