Par Solal
J’ai le plaisir de vous présenter la paracha de Noé.
Qui dit Noé dit l’arche de Noé !
Rappelons le contexte de l’épisode de Noé qui nous occupe.
Le monde habité se doit d’être juste aux yeux de Dieu. Or, la terre s’était corrompue devant Dieu, et elle s’était remplie d’iniquité (6,11). Comme le dit Rachi, la terre, s’était remplie de violence. Le terme חמס fait référence à un vol avec violence. Et Dieu dit à Noé: “Le terme de toutes les créatures est arrivé à mes yeux, parce que la terre, à cause d’elles, est remplie d’iniquité; et je vais les détruire avec la terre.“(6,13)
Dieu propose donc à Noé : Fais-toi une arche de bois de gôfèr. Ce qui permettrait à Dieu de sauver l’humanité à travers Noé.
Noé accepte donc d’être sauvé par Dieu, mais acceptera-t-il de recréer un monde ?
Mais avant cela, on est en droit de s’interroger sur ce qui fait que Noé mérite d’être sauvé ? Noé fut un homme juste, irréprochable, entre ses contemporains; il se conduisit selon Dieu, nous dit le verset (6,9).
Est-ce suffisant pour mériter d’être sauvé ? Et pour le moment, on ne sait pas ce que Noé a réalisé pour qu’on puisse le qualifier d’homme juste et être distingué auprès de Dieu.
Laissez-moi vous présenter mon enquête sur ce personnage ,צדיק juste, car vous semblez juste intéressés. Je tacherais donc de ne pas vous noyer sous un déluge… d’informations !
Pour cela, je vous propose de remonter à la paracha qui précède. À la fin de la paracha Berechit, Lemekh place déjà tous ses espoirs en son fils Noé. L’Existence, Dieu, semble reconnaître Noé comme Le personnage de la situation, tout comme son père avait placé ses espoirs en Noé.
Toutefois, leur reconnaissance en Noé ne provient pas de la même source. Comme le dit l’expression: ne mettons pas la charrue avant les bœufs !
Revenons pour cela à la naissance de Noé.
À la fin de la paracha Berechit, Lemekh, dit : « Celui-ci nous consolera du labeur de nos mains. ». Le midrach sur Lemekh évoque que Noé son fils serait l’inventeur de la charrue. C’est la charrue qui sera une forme de consolation.
En effet, après la faute de la consommation de l’arbre de la connaissance, l’humanité s’est retrouvée plongée dans la malédiction du labeur. L’idée est que son fils Noé pourrait apporter un soulagement et une nouvelle direction le place déjà comme sauveur d’une humanité noyée. Noyée, tout d’abord, par la malédiction, consécutive à la désobéissance et à la consommation du fruit, de l’arbre, de la connaissance du bien et du mal.
Cela nous amène à réfléchir davantage sur les solutions à identifier.
Ce labeur étant la conséquence de la faute de la consommation de l’arbre du bien et du mal, je me permets de vous poser la question : quel serait, selon vous, la meilleure façon de régler le problème ? En traitant la cause, c’est-à-dire la faute d’avoir consommé le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, ou la conséquence, le fait d’en être puni en travaillant la terre avec labeur ?
Le père de Noé fait le choix de résoudre la conséquence, en trouvant consolation à la malédiction du labeur de la terre, par l’invention de la charrue. Mais je pense qu’il faut aller plus loin et résoudre la cause. Je vous propose de vous démontrer que c’est ce que Noé va faire.
Prenons un exemple : le professeur me demande en classe de garder le silence. Je bavarde, je me fais prendre, et je suis collé. Naturellement, la sanction me déplaît ; je ne veux plus être puni. Deux options s’offrent à moi : traiter la conséquence, c’est-à-dire ne plus me faire prendre, ou traiter la cause, c’est-à-dire ne plus parler. J’obéis donc au professeur, mais je suis en droit de me demander pourquoi je ne dois pas parler. Si c’est uniquement pour obéir au professeur, je ne comprends toujours pas la raison de me taire : pourquoi la parole du professeur est-elle un enseignement, et la mienne, du bavardage ?
Appliquons cette réflexion à l’interrogation que j’ai eue sur la parole de Dieu, Dieu dit à Adam de ne pas consommer le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. En punition de sa désobéissance, Adam est expulsé du jardin d’Éden et devra travailler la terre avec labeur. Créer une machine industrielle tel que la charrue ne traite pas mon envie de consommer l’arbre de la connaissance.
Je me rends compte que je suis face à deux besoins constitutionnels de mon être : l’obéissance et le besoin de connaître et comprendre. D’où la désobéissance et la consommation du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal.
J’ai fait le choix de croire que le monde est riche de connaissances, et j’ai l’exigence de faire l’effort de comprendre ce qui s’offre à moi.
Mais donc, quel intérêt ai-je à ne pas consommer de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ?
Le fait d’avoir une opinion sur le bien et le mal, sans l’avoir nous-mêmes forgée ne serait rien d’autre qu’une idée pré-construite. Dieu nous invite donc selon moi, à ne pas avoir de préjugés, et à avoir notre propre opinion de ce qu’est le bien et le mal, exposer notre propre vérité.
Revenons à No: le monde est détruit et peut l’être à nouveau. Dieu fait une alliance avec Noé en lui montrant la vision d’un arc-en-ciel. Mais pourquoi Noé a besoin qu’on lui envoie le signe de l’arc-en-ciel? Noé, d’abord cultivateur planta une vigne. Il but de son vin et s’enivra (9,20/21). La réaction de Noé aurait très bien pu être de baisser les bras, voici pourquoi selon moi, il s’est enivré.
Réfléchissons donc à ce que symbolise l’arc-en-ciel. Le Talmud interdit d’observer l’arc-en-ciel. Quel est le sens de cet interdit ? Personnellement je trouve que l’arc-en-ciel est un phénomène rare et agréable à regarder.
Comment ce phénomène se produit-t-il ? Lorsque le soleil émerge après que la pluie est fait rage. Après la pluie, le beau temps !
L’arc-en-ciel symbolise l’espoir.
Toutefois, je comprends qu’observer longuement l’arc-en-ciel risque de m’amener à avoir une attente précise qui s’attarde sur les détails. En revanche, en jetant simplement un coup d’œil sans s’attarder, on retiendra l’idée globale, en l’occurrence, l’espoir.
D’ailleurs, dans le Talmud Babli Brakhot il est mentionné que « celui qui observe trop ses prières, finira par en être déçu et en avoir mal au cœur ».
En conclusion, l’enivrement de Noé lui a permis de se poser et de s’approprier le projet donné par Dieu à son insu, le renouvellement de l’humanité.
Noé, à la fois, obéi et réfléchi.
Retrouvez ici le commentaire du rabbin Josh Weiner de la parapha Noah 5785