Par Bianca, à l’occasion de sa Bat Mitvsa
Nous sommes au chapitre 6 de la Genèse. L’humanité n’a pas appris des erreurs du passé et est aussi corrompue que jamais. Dieu ne voit pas d’autre option que de détruire le monde.
Cependant, un homme se montre JUSTE, donnant l’espoir que peut-être tout n’est pas perdu. Cette personne s’appelle Noé et se voit offrir une occasion unique.
La Torah nous dit exactement d’où vient ce nom et quelle est sa signification. En fait, à la naissance de Noé, son père, Lémekh, fait une annonce:
וַיִּקְרָ֧א אֶת־שְׁמ֛וֹ נֹ֖חַ לֵאמֹ֑ר זֶ֞֠ה יְנַחֲמֵ֤נוּ מִֽמַ עֲשֵׂ֙נוּ֙
Et il appela le nom de son enfant, Noah en disant “Puisse-t-il nous consoler de notre tâche et du labeur de nos mains, causé par cette terre que Dieu a maudite“.
D’une certaine manière Lémekh sent que cet enfant va le consoler, et pas seulement lui, mais toute l’humanité, de la « malédiction de la terre ».
De quelle malédiction parle-t-on ?
Il faut remonter un peu dans les histoires de la Torah ; il s’agit des histoires de l’arbre de la connaissance, et l’histoire de Caïn et Abel. Ces épisodes ont des conséquences qui se font ressentir dans la génération de Noé.
Le Talmud (Sanhédrin 57a) nous dit, à propos de cette époque, que le monde était plein de jalousie, de vol, de violence et de fraude.
Dieu décide que la seule solution aux problèmes du monde était d’anéantir l’humanité et de recommencer. Il révèle ses plans à Noé : envoyer un déluge pour détruire le monde, sauf pour Noé, sa famille et au moins un mâle et une femelle de toutes les espèces animales. Noé est chargé de construire une arche.
Il n’a pas une tâche facile ! il est chargé de la sauvegarde de toutes les espèces animales et de l’humanité tout entière !
Il construit l’Arche pendant 120 ans… un projet surprenant.
Pourquoi 120 ans ?
Imaginez-vous la situation, en voyant Noé, les gens lui demandent : Que faites-vous ? Et Noé pouvait donc parler du plan de Dieu pour que les personnes puissent se repentir. Cependant, pas une seule personne n’a été influencée !
Ainsi, Noé devient quelqu’un d’actif, de responsable envers sa génération.
Ensuite sa responsabilité se dirige vers les animaux.
En effet, à l’intérieur de l’Arche pendant les 40 jours et nuits du déluge jusqu’à la descente de l’arche, pendant un an, Noé va apprendre à s’occuper des autres, en prenant soin des animaux.
Le midrash nous dit:
“Ni Noé ni ses fils n’ont pu dormir … parce qu’ils étaient obligés de nourrir les animaux … Certains animaux devaient être nourris à la deuxième heure de la nuit et d’autres à la troisième heure de la nuit.
Ainsi, en prenant en charge toutes les créatures, en les soignant, en anticipant leurs besoins et surtout en les nourrissant, Noé découvre le sens de la responsabilité. ” (Tanhouma, Noach 9:1)
Mais pourquoi Noé est-il choisi pour cette sauvegarde ?
La Torah nous dit que Noé était Juste irréprochable dans sa génération.
אִ֥ישׁ צַדִּ֛יק תָּמִ֥ים הָיָ֖ה בּ ְדֹֽרֹתָ֑יו
Certains de nos rabbins expliquent ce mot à sa faveur, il était juste même dans sa génération ; ce qui veut dire que s’il avait vécu dans une génération de justes, il aurait été encore plus juste en raison de la force du bon exemple.
Effectivement, je pense que Noé ne cède pas à la pression des pairs, il ne se fait pas influencer.
D’autres, expliquent à l’inverse, que Noé était considéré comme juste, mais s’il avait vécu dans la génération d’Abraham, ou de Moïse il aurait été considéré comme une personne moyenne, Dieu ne l’aurait pas remarqué.
Pour moi, ces deux affirmations ne sont pas contradictoires. Grâce à la construction de l’Arche et les soins prodigués aux animaux, Noé prend conscience que l’essence même de l’être humain est la responsabilité envers les autres.
Ainsi, en s’occupant des animaux il s’est élevé, s’est transformé et il est devenu Juste dans sa génération mais aussi dans toutes les générations.
Dans le judaïsme il y a le principe de Tsaar Baalei Hayim, l’interdiction de causer de souffrances aux animaux, l’obligation de porter secours aux animaux en détresse, et l’injonction de toujours agir envers eux avec bienveillance.
L’Exode Rabbah (2, 2) va dans ce sens car Moïse, après avoir secouru un agneau, sera choisi pour devenir celui qui servira de guide au peuple d’Israël. En étant bon avec un agneau, Dieu comprend qu’il serait bon avec son peuple.
Enfin, je me demande qui pourrait être considéré juste aujourd’hui ?
« Tsadik », juste, vient du verbe hébraïque צדק, ce qui est correct et juste.
Il y a aujourd’hui des personnes considérées « Justes parmi les Nations » ceux qui, aux heures les plus sombres de notre histoire, ont su tendre la main aux persécutés parce que Juifs. Mon arrière-grand-père Jean Vidal Revel a travaillé directement avec Monseigneur Rémond évêque de Nice (qui a reçu la médaille de Justes parmi les Nations) donnant des faux certificats de baptême, et sauvant ainsi plusieurs centaines d’enfants. Ils sont pour moi un vrai exemple de « justes », grâce à leur prise de responsabilité ils ont sauvé des vies d’enfants, d’innocents, peu importe leur religion.
Noé est la première personne dans la Torah à être qualifiée par ce nom, ich tzaditk .
Il cherche la justice, il est le gardien du monde : d’abord avec les hommes de sa génération en essayant de les inviter au repentir et ensuite avec les animaux.
Dans la Genèse (4:9) « l’Éternel dit à Caïn : Où est ton frère Abel ? Il répond : Je ne sais pas ; suis-je le gardien de mon frère ? ». Suis-je le gardien de mon frère. Bien sûr. Comme Noé a également été le gardien des créatures plus fragiles encore et donc de l’humanité tout entière. Prenons soin les uns des autres, et la colombe reviendra avec le brin d’olivier dans son bec annonçant que le déluge est terminé car la nature est revenue.
Aujourd’hui beaucoup de personnes partagent les luttes de Noé : sauver les gens et les animaux de la souffrance. Nombreux luttent pour la Justice, en faisant du bénévolat dans une organisation ou un refuge.
Je voudrais pouvoir compter parmi les justes de ma génération, être à la hauteur, prendre mes responsabilités pour sauvegarder notre monde, ses ressources, être active, agir et faire agir les autres, enfin prendre mes responsabilités à l’égard du monde qui nous entoure.
Je profite ma Bat Mitsva pour dire à mes parents que je pourrai d’ores et déjà venir en aide aux animaux, au moins UN ! Je pourrai le nourrir, prendre soin de lui, l’aimer, être responsable et commencer peu à peu à construire mon propre « Arche » !