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Mikets: aller au bout de ses rêves

Dracha prononcée par Max, à l'occasion de sa Bar Mitvsa le 14 décembre 2023

Par Max

Bonjour à tous,

Dans ma Paracha, j’ai plusieurs sujets de prédilection. 

Le premier est le rêve. Je me suis exercé à l’interprétation de différents rêves, avec un soleil, des étoiles, des vaches ou encore du pain et du vin. Mon second sujet de prédilection est la relation père-fils en général et la position d’enfant préféré en particulier. 

Papa ! N’aurais-tu pas un préféré ?!

Noé, t’en penses quoi ?

C’est toi, ou moi le préféré ?

Vous aurez compris, les relations entre Yaacov et Yossef ou celles de Yossef et ses frères ont attisé ma curiosité. Une des grandes questions qu’on peut se poser est :

Pourquoi Yossef n’a-t-il pas donné des nouvelles à son père ? 

Je m’explique…

Il est devenu vice-roi d’Egypte, il est en charge des finances du pays. S’il aime vraiment son père, pourquoi est-ce qu’il ne lui envoie pas une lettre ?

“Papa, tout va bien, je suis en Egypte, j’aurais tellement aimé que tu sois là – Joseph”.

Aucune prise de contact ! Pourquoi ? Au cours de mes recherches, j’ai trouvé une réponse qui m’a plu que j’aimerais vous partager… Mais avant cela j’aimerais vous dire, qu’un des pièges lorsqu’on lit une histoire, c’est d’oublier que nous, lecteur, en savons plus que tous les personnages impliqués dans l’histoire. Pour cela, je vous propose de nous mettre dans la peau de Yossef et lire l’histoire attentivement.

Que savons nous que Yossef ne sait pas? Voici la question à se poser !

Dans la vente de Yossef, il y a un élément crucial que Yossef ignore puisque ça se produit après qu’il a été mis dans la caravane des Ismaélites et en route pour l’Egypte…

Les frères ont:

  • pris un chevreau, 
  • l’ont égorgé,
  • trempé la tunique de Yossef dans son sang et
  • envoyé cette tunique à leur père en lui disant: 

“Voici ce qu’on a trouvé, reconnais, s’il te plait, est-ce la tunique de ton fils ou pas ?” 

Mais dès lors… Comment Yossef a vécu l’histoire, de son propre point de vue ?

Il a 17 ans et il a fait des rêves. Des rêves qui semblaient présager qu’il aurait du pouvoir. Il a raconté ses rêves à ses frères et ils sont devenus jaloux. Puis il a raconté son deuxième rêve, pas seulement à ses frères, mais aussi à son père.Son père l’aimait, mais là, pour la première fois, Yaakov gronde Yossef. Il n’aime pas ce rêve:

“Qu’est-ce c’est que ce rêve, avec le soleil, la lune et les 11 étoiles, qui se prosternent tous devant toi !? On va tous se prosterner devant toi !?”

Alors que son père vient de gronder Yossef, il l’envoie à Chékhèm pour prendre des nouvelles de ses frères. Les frères sont jaloux de Yossef. Ils le voient comme une menace. Yaakov demande à Yossef:

“Va voir s’il te plaît comment vont tes frères à Chékhèm ?” 

Yossef sait que c’est dangereux. Il répond : “hinéni” “me voici”.

À la place de Yossef, je me serais dit : 

“J’ai accepté, j’ai eu confiance mais ça ne s’est pas bien passé. Mes frères m’ont sauté dessus, m’ont déshabillé, jeté dans un puits, et m’ont vendu à l’Egypte”.

Voilà ce que Yossef sait ! Et qu’est-ce qu’il ne sait pas ?

Il ne sait pas :

  • que les frères ont apporté sa tunique à son père, 
  • qu’ils l’ont incité à penser que Yossef était mort. 

Donc, du point de vue de Yossef, que s’est-il probablement passé ensuite? 

Peut-être sont-ils retournés chez leur père et lui ont dit: “Père, c’était lui ou nous !” Finalement, peut-être que son père aussi voyait Yossef comme une menace. Ce ne serait pas si surprenant que ça de laisser une part de sa progéniture au rebut. C’est presque une tradition !

Souvenons-nous…

  • Its’hak et Ishmaël

Avraham voulait garder Ishmaël à ses côtés.  Sarah n’était pas d’accord. Dieu s’est rangé du côté de Sarah. 

  • Yaakov et Essav

Itshak entretient un lien privilégié avec Essav. Rivka soutient Yaacov. Essav est expulsé de la famille. 

Yossef peut légitimement se dire: 

Je touche le fond, je croupis en Egypte, année après année, personne n’est jamais venu me chercher. Peut-être qu’on m’a exclu de la famille?

Les noms que Yossef donne à ses deux enfants en témoignent : Menaché et Efraïm.

  • Menaché, le verset dit: 

“ki nashani Elokim ète-kol amali vé-ète kol bète avi”, 

“Dieu m’a fait oublier, toutes mes mésaventures et toute la maison de mon père”.

  • Efraïm

“ki hifrani Elokim béérets ‘onyi”, 

” Dieu m’a fait fructifier dans le pays de ma misère”.

Yossef n’a pas écrit à son père car il suppose qu’il a été écarté du projet familial.

Néanmoins, comme nous verrons plus tard, alors que Yaakov discutait avec Yossef, il s’est prosterné vers la tête du lit. “Vayichta’hou Israel al roch hamita”. 

Pourquoi Yaakov s’est prosterné à ce moment-là ? Demande le Midrach. 

Car Yossef est resté fidèle à ses valeurs, répondent les Sages. Et ce, même si Yossef reste distant de son ancienne vie et en construit une nouvelle.

Mais qu’en est-il de ses liens avec sa famille ? Yossef pense-t-il qu’il a été rejeté ? Que tout est fini ?

Si on adopte cette perspective, ça change notre façon de voir Yossef, son histoire et peut-être même sa relation avec Pharaon. 

  • Pharaon le sort du trou, de cette prison où il était, et lui dit: 

“J’ai entendu que tu sais interpréter les rêves ! Peux-tu interpréter mon rêve?”

  • Il lui donne de nouveaux vêtements, de beaux vêtements neufs.
  • Il le place en tant qu’adjoint…

Tout ce que Yossef aurait voulu recevoir de son propre père… 

Où étais-tu, papa, quand j’étais en prison en Egypte ? Voici l’homme qui m’a fait sortir de prison. Où étais-tu, papa, quand on m’a déshabillé ? Voici celui qui m’a donné de nouveaux vêtements. Tu n’as pas aimé mes rêves. Voici quelqu’un qui me raconte ses rêves et écoute mon interprétation.

  • Pharaon donne à Yossef une épouse. Il lui donne même un nouveau nom, Tsafenat Panéah’, qui veut dire: celui qui révèle les choses enfouies. Par ce nom, pharaon montre qu’il sait apprécier Yossef et ses capacités d’interprétation des rêves.

Qui est la personne qui donne généralement un nom ET une femme ? C’est le père, bien sûr ! Le défi que doit relever Yossef, c’est :

À qui dois-je être fidèle ? Qui est mon “vrai” père?

  • Côtoyer Pharaon tant que Yaakov reste en Cana’an, ne fait pas l’ombre d’un doute pour Yossef. 
  • Se réconcilier avec son père, l’embrasser et être heureux après toutes ces années de séparation, est indispensable pour Yossef.

Mais retrouver Yaakov, alors que Pharaon est présent sur la scène… ça devient plus compliqué. C’est cela, je crois, qui nous prépare au véritable point culminant de l’histoire de Yossef, dans la Paracha Vaye’hi. Dans cette paracha, Yaakov sait que sa mort est proche.

Il appelle Yossef et lui demande :

“s’il te plaît, ne m’enterre pas en Egypte. Je veux être enterré avec mes pères, au pays de Cana’an”

Yossef répond : “Je ferai comme ce que tu as demandé”.

Si vous étiez Yaakov, qu’est-ce que vous répondriez à Yossef ? Personnellement, je dirais “merci beaucoup“. Mais c’est pas ce que Yaakov dit. Il lui dit: “jure-moi que tu le feras”.

Doute-t-il de Yossef ? Pourquoi le faire jurer ? 

Et Yossef jure. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il s’est prosterné “Vayichta’hou Israel ‘al roch hamita” – quand Yossef a juré. L’histoire l’a conduit en Égypte, un détour qui semble incontournable à la concrétisation de ses rêves de pouvoir. L’engagement de Yossef pour l’Egypte reste entier, c’est bien plus qu’une simple parenthèse dans sa vie. 

Pour autant, il a à cœur de contribuer au projet de l’Éternel ou à l’éternel projet de la terre de Canaan en acceptant la requête de son père d’être enterré avec ses pères. Il démontre ainsi sa capacité à résoudre ce qui peut sembler un dilemme. C’est un moment de vérité. 

Face à cette démarche, Yaacov se prosterne !

Pour ma part, je retiens que Yossef ne renonce jamais à exister pleinement, même si cela attise la jalousie de ses frères. Il se dit : Tout au bout de mes rêves. J’irai au bout de mes rêves. Où la raison s’achève.

Et ses frères … à leur tour de se faire une place. C’est ça, Israel ! Une démarche qui exige de se vivre pleinement, tout en invitant l’autre à exister, sans pour autant l’assister. Être Israel c’est offrir à celui qui me fait face, le devoir d’être un interlocuteur. 

Voici l’espoir que je formule pour le monde également. Merci de m’avoir écouté.

Retrouvez ici la dracha du rabbin Josh Weiner sur la paracha Mikets 5784

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