Ce 24 juillet 2023, 6 Av 5783 – trois jours avant la commémoration de la destruction du Temple – restera un jour sombre dans la mémoire de l’État d’Israël et du peuple juif tout entier.
Le parlement israélien, dominé par la coalition la plus radicale de son histoire, composée de partis qui, sous une forme ou une autre, portent une idéologie autoritaire et exclusive, a voté une loi qui retire au pouvoir judiciaire la possibilité de repousser des lois et des nominations gouvernementales ou administratives de rang élevé, qui ne seraient pas conformes au critère d’équité, la « sevirout ».
La notion désigne en hébreu, au-delà du bon sens, le sens éthique, le refus de tolérer la corruption, les conflits d’intérêt, la partialité. Elle est mise en œuvre par la Cour suprême lorsqu’il s’agit de défendre l’Etat de droit, les droits fondamentaux du citoyen contre des décisions politiques qui accordent, par privilège, la possibilité d’échapper à des obligations communes, ou celle de se tenir au-dessus des lois sans être inquiété ou sanctionné.
Au-delà même de cette remise en cause, c’est tout le système judiciaire qui est visé, jugulé, de telle manière qu’il ne puisse plus fonctionner comme contre-pouvoir face à l’exécutif ou comme arbitre. Il ne s’agit pas tant d’une « réforme judiciaire » que d’une altération drastique de l’équilibre des pouvoirs. Derrière ce qui ressemble fort à un renversement de régime, il y a, pour la plupart des partis de la coalition, tout un agenda politique et religieux de mesures qui outrepassent les critères de l’Etat de droit et de la démocratie libérale.
La liberté religieuse, l’égalité des citoyens, le statut des femmes et des minorités sont en danger, sans que la justice puisse désormais être mobilisée pour les protéger et contrevenir aux abus.
Il va sans dire que les courants du judaïsme non-orthodoxe ou orthodoxe-moderne, déjà décriés et privés de nombreux droits le seront plus encore dans une telle configuration.
A l’inverse, les courants fondamentalistes et suprémacistes auront devant eux toute latitude pour mettre en œuvre et imposer leur idéologie.
Selon une tradition bien connue, le jour du 9 Av, jour de catastrophe nationale, d’autodestruction par perte du sens national et des valeurs fondatrices est aussi le jour où naîtra le messie…
Dès l’après-midi de ce jour funeste, les prières de désolation se transforment en prières de consolation et d’espérance.
Il n’est pas question de baisser les bras et de sombrer dans le défaitisme.
En tant que juifs de la diaspora, nous devons nous mobiliser et réfléchir à une manière de marquer notre soutien à l’État d’Israël, en tant qu’il est, de manière indissociable, Etat juif et démocratique.
Nous devons œuvrer à soutenir tout ce qui vise à rassembler et inciter l’ensemble des israéliens et des juifs de la diaspora à trouver une forme de vivre-ensemble respectueuse de toutes les sensibilités.
A nous de nous montrer inventifs et constructifs pour que se réalise la parole que récitent inlassablement dans leurs prières de Chabbat, les communautés massorti de France :
« Éternel, notre Dieu, veille à ce que la paix s’installe rapidement en terre d’Israël ! Que la fraternité et la concorde règnent parmi tous ses habitants ! […] Puissent les dispersés de Ton peuple être rassemblés autour de ta montagne sainte et bâtir en Ton nom le Temple messianique qu’on appellera la maison de prière pour toutes les nations ! Amen ! »
Rivon Krygier et Josh Weiner, Rabbins d’Adath Shalom
Aline Benain, Présidente et Jacques Adida, Vice-président d’Adath Shalom