Par Ava, à l’occasion de sa Bat Mitsva
La paracha de Korah traite de la fameuse dispute de Korah et son assemblée—250 personnalités du peuple d’Israël—contre Moise et Aaron qui auraient pris injustement la direction du peuple. Moïse propose alors un test à Korah : qu’il prenne les encensoirs, les enflamme et se place devant la tente d’assignation.
Moïse annonce alors : « si ces gens meurent comme tous les hommes, ce n’est pas Dieu qui m’a envoyé. Mais si l’Eternel produit un phénomène, si la terre s’ouvre pour les engloutir avec tout ce qui est à eux, et qu’ils descendent vivants dans la tombe, vous saurez alors que ces hommes ont offensé l’Eternel, et que je suis bien votre chef. »
Or, comme il acheva de prononcer ces paroles, le sol se fendit, la terre s’ouvrit et les dévora, eux, leur maison, tous les gens de Korah et tous leurs biens. Puis la terre se referma et ils disparurent au milieu de l’assemblée. Tous les israélites qui étaient autour d’eux s’enfuirent à leur cri et dirent : « la terre pourrait bien nous engloutir !» Puis un feu s’élança devant le seigneur et consomma les 250 hommes qui avaient offert l’encens.
En lisant cet épisode, je me suis posée une question:
Pourquoi Moïse a-t-il choisi de punir Korah d’une mort aussi extraordinaire ?
Le midrash sur les psaumes de David rapporte que Korah est un manipulateur. Il essaye de monter le peuple contre Moïse et Aaron en leur racontant l’histoire d’une veuve accablée par les règles et les taxes qu’ils imposent. Korah leur raconte : « j’ai une veuve dans mon quartier, accompagnée de deux orphelines, qui avait un champ. »
- À peine eut-elle commencé à le labourer que Moise lui ordonna : « ne laboure pas avec un bœuf et un âne attelés ensemble !».
- Puis quand elle se mit à ensemencer son champ, Moïse lui ordonna: « ne sème pas dans ton champ des graines hétérogènes».
- Quand vint enfin le moment de récolter, il lui ordonna: « laisse les coins du champ ».
- Une fois que le champ fut récolté, il lui ordonna : « donne-moi la première dime et la deuxième dîme ».
Elle finit par vendre son champ et part acheter des agneaux.
- Lorsqu’ils mirent bas, Aaron lui ordonna : « donne-moi les premiers nés car Dieu m’a dit : « Tous les premiers nés mâle de ton gros et de ton menu bétail tu les consacrera à l’éternel. »
- Au moment de la tonte Aaron lui ordonna : « donne-moi les premières tonsures. Car ainsi, Dieu a dit : « les premières tonsures de ton menu bétail, tu les lui donnera.»
- En désespoir de cause, la veuve abattit ses agneaux pour les manger. Mais Aaron ordonna alors : « donne-moi le bras, la contre-joue et le ventre. »
La veuve se lamenta : « même en les abattant, je n’ai pas pu sauver mes agneaux de ta main. ». Alors Aaron les lui prit et s’en alla. Et la veuve resta à pleurer avec ses deux filles.
En racontant cette histoire au peuple, Korah veut faire croire que Moïse et Aaron sont sans pitié face à une pauvre veuve, et qu’ils se servent des règles divines à des fins personnelles. Bien entendu, dans ce midrash, la veuve n’est qu’un personnage fictif qui concentre toutes les possibilités de taxe du système de la Torah (végétal, animal, produit animal). Mais au-delà de cet aspect, il faut se rendre compte que la vie du peuple juif est centrée autour du Temple—en effet, géographiquement, le Temple est positionné au centre du campement— tout gravite autour du Temple. Pour le bon fonctionnement de ce temple, un groupe du peuple est consacré à son service : ce sont les Cohanim, les prêtres. Toutes ces taxes servent à les entretenir.
Face à tel démagogue, Moïse ne doit laisser à Korah la moindre possibilité de déformer la vérité sur la cause de sa mort. Si Korah et son assemblée avait subi une mort naturelle, alors le diable de Korah aurait soutenu que la mort est le lot de tous, et que Korah et son assemblée sont morts à cause de la souffrance que Moïse et Aaron leur ont infligé. En choisissant une mort sans ambiguïté, une mort qui ne peut être attribuée au hasard ou à la nature, Moise manifeste de manière incontestable la volonté divine, et n’offre pas de prise à Korah.
