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Houkat: le corps et l’âme

Dracha prononcée par Samuel à l'occasion de sa Bar Mitsva le jeudi 11 juillet 2024

Par Samuel

Bonjour à tous, 

J’aimerais commencer par vous poser une question: 

Avez-vous déjà pensé au lien entre votre âme et votre corps ou tout simplement, avez vous déjà pensé à ce que pourrait être votre âme? 

Moi, c’est une question qui m’a toujours interrogé, d’autant plus depuis que j’ai étudié ma paracha, en particulier le passage très étrange de la vache rousse qui introduit Houkat. Ce passage décrit le rituel de purification pour une personne ayant été en contact avec un mort. Dans ce rituel, une vache entièrement rousse est sacrifié et brûlée puis la poussière et les cendres de la vache sont dissoutes dans l’eau et c’est cette eau qui sert à la purification de la personne.

En partant de cet exemple étrange dans lequel un problème « spirituel » est guéri avec la cendre d’un corps, donc un élément « matériel », j’ai vraiment eu envie d’en savoir plus sur le lien entre le corps et l’âme dans le judaïsme… et ce n’est pas une question simple! 

D’abord parce que la vision de l’âme a évolué au fil du temps. Le judaïsme que nous pratiquons aujourd’hui est loin du judaïsme de l’Antiquité. A l’époque du Temple, par exemple, l’idée de l’immortalité de l’âme ne faisait pas l’unanimité. 

Aujourd’hui encore, il n’y a pas de réponse définitive dans le judaïsme à la question “qu’est ce que l’âme?” mais plutôt des visions diverses que l’on retrouve dans les commentaires de nos sages.  

Ce qui est clair, c’est que, comme le corps, l’âme n’est pas vue comme un bloc uniforme mais à différentes parties ou différents niveaux qui ont chacune des fonctions différentes.

Le Talmud nous dit que l’âme est désignée par cinq noms: nefech, rouakh, neshamah, hayah et yekhida (Bereshit Rabba 14:9)… ça fait beaucoup! Alors j’ai choisi de m’intéresser plus particulièrement à trois d’entre eux que l’on trouve à de nombreuses reprises dans la Torah: Rouah, Nefech et Nechama.  

Nefech, c’est l’âme animale. Par exemple, dans ma paracha, on trouve l’expression “Nefech Adam” (Nrb 19-12)  pour désigner une personne humaine. Dans d’autres passages, il est question de “Nefesh Behema” pour un animal. Elle est la partie l’âme la plus proche du corps et associée au sang comme il est écrit dans le Deutéronome (12-23). 

Rouah c’est le souffle divin, la partie immortelle de l’âme qui, après la mort, doit retourner vers Dieu d’après Maïmonide, commentant un passage de la Génèse: « où se trouve le souffle, “Rouah”, de vie » (Gen. 7:15). Il est aussi associé à l’inspiration divine des prophètes, comme on le voit par exemple chez un prophète avec un très joli nom, Samuel: « L’esprit “Rouah” de l’Eternel parla par moi » ( Sam. 23:2)

Enfin, le terme Nechama, désigne une partie encore supérieur de l’âme, elle aussi immortelle, reliée à la source divine. Dans le récit de la Genèse, il est écrit que Dieu souffle dans les narines d’Adam, une « nichmat haïm », une « respiration de vie ».

L’important n’est pas de savoir ce qu’est exactement l’âme mais qu’il y a une dimension autre que le corps que c’est elle qui donne l’importance au corps. Moi, je pense que le corps est un peu comme une coquille et que la mort est une sorte de seconde naissance. Je sais que le judaïsme parle aussi de la réincarnation et c’est une idée que j’aime particulièrement!

On peut faire mille hypothèses sur ce sujet, ce que je ne me suis pas privé de faire pendant les cours mais toutes vous les donner aujourd’hui serait beaucoup trop long!

J’aimerais donc pour finir, revenir à cette mystérieuse histoire de vache rousse. Rappelez vous, pour le rituel il faut mélanger les cendres de la vache à de l’eau. 

Un commentaire du rabbin Jonathan Sacks nous éclaire à ce sujet et fait le lien avec le thème de l’immortalité de l’âme que nous venons d’explorer:

« Lorsque nous regardons la poussière de la vache rouge, nous pourrions dire que c’est de cela que nous sommes faits – pourtant, la poussière n’a pas donné naissance à certains des plus grands esprits qui aient jamais vécu – ces personnes étaient plus que de la simple poussière de terre. Chacun d’entre nous est imprégné de l’esprit divin. (…) Lorsque le Cohen met les cendres de la vache rouge dans l’eau et en asperge une personne, celle-ci redevient pure. L’eau de vie revigore, rafraîchit et renouvelle son être. (…) Nous avons besoin de l’épisode de la vache rousse pour nous rappeler que la vie ne peut exister sans savoir que la mort finira par prendre le dessus, mais aussi que la mort n’est pas la fin de la vie.Notre corps peut retourner à la poussière, mais notre âme – notre Nechama, qui nous a été donnée par Dieu – sera toujours nourrie et maintenue en vie par l’eau spirituelle qui existe en chacun de nous. »

Le mélange de la poussière et l’eau serait donc l’alliance symbolique du corps et de l’âme. D’ailleurs, le texte hébreu ne parle pas simplement d’eau mais de « mayim haiym »  מַ֥יִם חַיִּ֖ים traduit par eau « vive, vivante » : c’est l’eau qui donne la vie.

Pour conclure, je dirais que cette étude m’a beaucoup fait réfléchir (et à même fait réfléchir ma prof!) j’en tire deux enseignements: d’abord le renforcement dans ma croyance personnelle en la réincarnation puisque le corps a besoin de l’âme et vice versa, je ne pense pas qu’une âme puisse rester seule trop longtemps, c’est comme une histoire d’amour entre les deux, on ne peut pas trop longtemps les séparer!

Ensuite, le rappel qu’il faut prendre autant soin de son corps que de son âme. Je souhaite que, tout au long de ma vie, le Taekwando continue de prendre soin de mon corps et que la Torah prenne soin de mon âme! 

Retrouvez ici le commentaire de la paracha Houkat 5784 par le rabbin Josh Weiner

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