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Chlah Lekha: Face aux défis, garder la foi

Dracha pronconée par Lucie à l'occasion de sa Bat Mitsva le jeudi 27 juin 2024

Par Lucie

Bonjour à tous,

Aujourd’hui, nous allons parler de la paracha chlakh lekha, un passage fondamental de la Torah (dans le livre des Nombres), fondamental, parce qu’il relate un moment très attendu par les hébreux. 

Après une traversée du désert éprouvante, voilà les Hébreux aux portes de la terre promise et de la conquête qu’ils devront en faire ; une conquête que seule la foi en Dieu permet. Ils vont enfin sortir du désert. Enfin, non, malheureusement rien ne va se passer comme prévu ! 

Et au lieu de la terre promise, ce sont quarante années supplémentaires dans le désert que les hébreux vont récolter. Comment cela s’est-il produit ? 

Et surtout pourquoi ? Enfin, nous nous interrogerons aussi sur ce que cette paracha nous apprend sur nos propres comportements et leurs conséquences. 

Je disais donc : rien ne va se passer comme prévu.

Moïse, qui se fait vieux à l’époque, et qui sent des hésitations dans le peuple, décide d’ouvrir la voie pour créer un effet d’entrainement. Il envoie 12 explorateurs. 

Ils devront vérifier les qualités de la terre : est-elle aussi bonne qu’on nous l’a promis ? (après le désert et les serpents ce serait une bonne récompense !)

Mais aussi de mesurer la difficulté de la conquête : y’a-t-il des villes fortifiées ? Des ennemis à combattre ?

En éclaireurs ils vont donc devoir regarder comment est cette terre promise. Moïse choisit pour cela 12 hommes, un par tribu. 

Et pas n’importe lesquels. Ce sont 12 hommes fiables, connus et reconnus. D’ailleurs leurs noms sont inscrits dans la torah et je les ai lus tout à l’heure. C’est dire combien ils comptent. 

La Torah précise ich éhad (ce qui veut dire un homme unique) pour démontrer qu’ils ont été choisis pour leur qualités de courage et leur réputation. Le succès ne fait a priori aucun doute.

Pourtant, à peine en route, voilà leur premières frayeurs : le texte dit « ils partirent » (vaya-alou) au pluriel et un peu plus loin il arriva (vayavo) au singulier dans la direction de Hébron. Se seraient-ils tous « dégonflés » en cours de route ?! Cela rappelle l’ordre de Dieu à Moïse : « tu iras voir Pharaon avec Aaron et les chefs anciens ». Et de la même façon le texte rapporte plus loin que Moïse est allé seul avec Aaron’ affronter Pharaon.

Après leur exploration les douze hommes éminents reviennent 40 jours plus tard de leur exploration pour en faire le rapport au peuple hébreu. 

Ils reviennent avec une grappe de raisin si grande qu’il fallut deux hommes pour la porter. N’est-ce pas extraordinaire ! N’est-ce pas la promesse d’une terre à l’abondance jamais vue ? Une terre de lait et de miel ?

Certes, mais du très grand et du jamais vu, il n’y en avait pas que dans le raisin. 

Les explorateurs rapportent que les habitants sont des géants, des géants invincibles !

Seulement deux des explorateurs, Caleb et Josué, incitent malgré tout les hébreux à avoir confiance en Dieu et à aller conquérir Canaan. Mais les dix autres sont terrifiés par ce qu’ils ont vu et estiment que ces géants paraissent invincibles et très certainement beaucoup plus forts qu’eux au combat. Ils disent s’être sentis comme des sauterelles par rapport à ces géants. 

La terre belle et riche qui correspond à la promesse divine n’y suffit pas. Oubliée la belle grappe de raisin ! Le peuple est découragé. Pire encore, ils commencent même à regretter leurs vies en Egypte. 

Seuls Caleb et Josué ont pris la responsabilité de défendre la foi en Dieu et d’encourager le peuple malgré l’opposition. Ils ne se sont pas laissé abattre par la peur collective, et ont gardé confiance et espoir. Ils ont fait preuve, de ce qu’on qualifierait aujourd’hui, de leadership. Un vrai leader ne se laisse pas abattre et garde le cap. Mais ils ne sont que deux face au peuple. 

Dieu est mécontent de la réaction des hébreux et décrète que cette génération ne verra pas la terre promise. Il retarde donc l’entrée en Canaan de 40 ans.

Analysons ce qui s’est passé.

Ils étaient partis pour explorer. Ils ont vu une terre fertile habitée par des géants et ils ont paniqué à la vue de ce qui semblait être des combattants féroce. 

Un rapport négatif qui change la vision de tous

Ils ont perdu confiance et sont revenus avec un rapport catastrophiste.  S’ils ont fait ce rapport désastreux c’est parce qu’eux même ne voulaient plus aller conquérir cette terre. Ils ont oublié leurs responsabilités et ont eu peur en voyant les habitants de Canaan.

Les paroles des explorateurs ont eu un impact énorme sur le peuple, ils ont d’abord dit que la terre était magnifique mais que les habitants étaient invincibles, l’information négative a masqué l’information positive. S’ils avaient dit à l’inverse, que les occupant de Canaan étaient certes très forts et qu’ils paraissaient gigantesques, mais que la terre en valait la peine, et qu’avec l’aide de Dieu ils allaient la conquérir, ils auraient galvanisé le peuple. 

Mais en valorisant les habitants, ces géants invincibles, ils ont oblitéré tout le reste.

Ils ont cédé au doute et au mauvais penchant de leur cœur

Ils ont vu et ont renoncé. Leur vue a influencé leur pensée et leur raison. Leur vue leur a fait – précisément – perdre de vue la promesse divine. On comprend ici à quel point notre perception de la réalité peut grandement influencer nos actions et notre destinée. Le midrach agada dit « amerou befihèm ma chélo raou éinéhèm » « leur bouche a exprimé ce que leurs yeux n’avaient pas vu ». Ils ont peut-être même un peu assombri la réalité par peur, par manque de confiance. 

Face aux mêmes défis, certains voient des opportunités tandis que d’autres voient des obstacles insurmontables. La foi et la confiance jouent un rôle important dans cette perception. Caleb et Josué, en croyant en la promesse de Dieu, ont vu les obstacles comme des défis à surmonter avec l’aide divine, tandis que les autres, manquant de foi, et laissant leur vue et leur cœurs inquiets prendre le dessus, les ont compris comme des menaces écrasantes.

Dans le Chema il est pourtant dit : « velo tatourou aharé levavekhèm veaharé énékhèm » : « vous ne vous laisserez pas entraîner par vos yeux et votre cœur ! »

Et bien ils se sont laissé entraîner. Le doute qui les a saisis est la nourriture préférée du yétser hara : le mauvais penchant. En chacun de nous, se trouvent une inclination au bien et une inclination au mal, la foi et le doute, le yétser hatov et le yétser hara. Dieu a créé l’homme avec ces deux penchants pour lui laisser le choix, le libre arbitre, la possibilité de lutter victorieusement.

La conquête de la terre de Canaan ne peut se faire sans une conquête sur soi-même, sans la victoire du yetser hatov sur le yétser hara, sans une véritable foi atteinte lorsque l’on canalise ses désirs et ses passions.

L’une des leçons principales de cette paracha est l’importance de la foi et de la confiance en Dieu. Caleb et Josué ont montré une foi inébranlable en Dieu, tandis que les autres espions ont laissé la peur dominer leur jugement. Cela nous rappelle que, face aux défis, nous devons garder la foi, faire face à nos doutes.

La façon dont nous percevons ce qui nous arrive, la perspective que nous prenons sur les événements peut grandement déterminer notre capacité à réussir ou à échouer. 

Et pour aujourd’hui qu’enseigne la paracha ? 

Tout cela, c’est de l’histoire ancienne : en quoi cela me concerne-t-il ? mon nom n’est pas inscrit dans la Torah ! Je ne suis pas chef de tribu ! Moïse le ne m’a chargé d’aucune mission ! Vous non plus d’ailleurs ?

Et pourtant ce texte m’interpelle : est-ce que à mon tour je ne risque pas de rater une mission qui m’aurait été confiée ?

Est-ce que je suis sûre de ne jamais me laisser entraîner par mes regards ou mes pulsions ? Suis-je assez forte pour résister à toutes les tentations de la vie ? Bon alors, moi mon yetser hara, c’est un peu mon téléphone portable et embêter ma petite sœur, mais j’essaie de m’améliorer chaque jour ! 

Plus sérieusement, la paracha Chelah-Lekha nous offre des leçons précieuses sur la foi, la perception, le pouvoir des mots et le leadership. Elle nous rappelle de toujours garder confiance en Dieu, même face à des défis apparemment insurmontables. Que nous soyons inspirés par l’exemple de Caleb et de Josué, et que nous trouvions la force de surmonter nos propres peurs et doutes, en restant fidèles à nos convictions et à notre foi. 

Dans nos vies, nous sommes souvent confrontés à des situations similaires où notre perception peut déterminer notre succès ou notre échec. Il est nécessaire d’avoir des objectifs clairs et des rêves pour l’avenir. Cela peut nous motiver à travailler dur, à surmonter les obstacles et à rester concentrés sur nos aspirations. Les échecs et les déceptions font partie de la vie, mais il est important d’apprendre de ces expériences, de se relever et de continuer à avancer.

J’avoue je suis très timide. C’est un petit handicap pour réussir à vous parler aujourd’hui. A cela s’ajoute le fait qu’au début de la préparation de ma Bat mitsvah, on m’a demandé « pourquoi tu veux la faire ? » et je n’arrivais pas à exprimer ce pourquoi. 

Alors quand on n’a pas confiance en soi et qu’on ne sait pas vraiment quel est notre objectif, on peut vite trouver que l’Egypte ce n’était pas si mal finalement. Mais j’ai appris cette année l’importance de la résilience (oui merci papou, merci maman, de m’avoir remise 100 fois devant ma dracha), j’ai appris à avoir un tout petit peu plus confiance en moi. Et à l’issue de cette année, je sais pourquoi je voulais faire ma bat mitsva et où je mets ma foi, sans qu’il soit possible désormais pour aucun explorateur de m’influencer avec son récit. 

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