Par Léon
Bonjour à tous, Chabbat shalom,
La Paracha « Choftim » signifie en français « Les Juges ».
« צֶדֶק צֶדֶק, תִּרְדֹּף—לְמַעַן תִּחְיֶה וְיָרַשְׁתָּ אֶת–הָאָרֶץ, אֲשֶׁר–יְהוָה אֱלֹהֶיךָ נֹתֵן לָךְ »
« La justice, la justice, tu poursuivras, afin que tu vives et que tu prennes possession de la terre que Hachem ton Dieu te donne »
Dans ce verset connu, la justice constitue une exigence qui conditionne à la fois l’existence même du peuple d’Israël et l’acquisition d’un territoire. Sans justice, pas de vie, ni de pays.
Le pouvoir judiciaire représenté par des juges indépendants, intègres, qui ne sont pas corrompus, garantit une justice équitable (mishpat tzedek). Dans la paracha « Choftim », il est aussi mentionné la nécessité d’une justice qui s’appuie sur plusieurs témoins, qui s’engagent à dire la vérité : « [c’est] par le témoignage de deux au moins ou de trois témoins [que] le condamné sera mis à mort : il ne sera pas mis à mort par le témoignage d’un seul témoin. »
Ces précisions sur la manière de rendre la justice font écho à notre présent. La peine de mort a été abolie en France. Mais, ces versets résonnent particulièrement en ces temps, où je sens que la démocratie peut être menacée par l’accession au pouvoir de partis extrémistes en France et dans le monde. L’indépendance de la justice est la preuve de la vitalité d’une démocratie. Je suis conscient que notre démocratie est fragile et que l’élection d’un parti extrémiste pourrait la mettre en péril…
Le verbe « poursuivre » dans la phrase « la justice, la justice, tu poursuivras » nous indique qu’il faut aller en permanence vers une justice équitable. Il ne suffit pas de la respecter, « elle doit être activement et inlassablement recherchée », selon l’interprétation de Yaël Hollenberg.
La justice évolue avec le temps, les changements et les attentes de notre société ; de nouvelles lois sont nécessaires, afin d’améliorer encore et encore la vie en société.
La répétition du mot « Tzedek » a fait l’objet de nombreuses interprétations.
Selon Yaël Hollenberg, cela peut renvoyer à deux formes de justice :
- La justice légale : chacun a droit à un procès équitable, la loi est la même pour tous.
- La justice sociale : la tsedaka, formée sur la même racine que le mot tsedek.
La tsedaka est un acte de justice, une responsabilité qui incombe à chacun d’entre nous. La tsedaka répare l’injustice sociale. La solidarité vis-à-vis des plus pauvres est un devoir, un commandement. Plus que de charité, il s’agit de contribuer à rendre à une personne sa dignité. Chaque personne doit pouvoir se réaliser selon ses potentialités.
En écrivant cette dracha, j’ai appris que le mot tsedaka est inscrit dans la tradition de ma famille.
Mon arrière-arrière-grand-père maternel Jacob Soussan, né en Algérie en 1854, a reçu la légion d’honneur pour avoir été actif dans de nombreuses œuvres de bienfaisance pour les plus démunis. Son petit-fils Gabriel, mon grand-père, fut médecin et homme d’une grande droiture morale. Ma tante Judith a travaillé à Emmaüs auprès des sans-abris, a publié un ouvrage sur les sans-abris africains en France.
Mes arrière-grands-parents du côté paternel, Joseph et Georgette Lévy, dirigeaient des écoles de l’Alliance Israélite Universelle en Tunisie, avec tout ce que cela implique comme engagement tout au long de leur vie envers la communauté juive de Tunisie, le judaïsme et Israël.
Ma paracha est très riche en thèmes. Elle se préoccupe de toutes les fonctions de l’Etat.
L’Etat selon la Torah comprend 4 fonctions essentielles : le roi ou le gouvernement, les juges, les prêtres et les prophètes.
Le Rav Manitou Léon Ashkénazi cite le « Hafets Haïm » et explique que l’initiale de ces quatre mots en hébreu forme le mot mishkan qui signifie le sanctuaire.
M, mem de melekh = le roi et le pouvoir royal (qui ne doit pas s’enivrer de richesse, comme il est écrit dans ma paracha)
Sh, shin de choftim = le juge et le pouvoir législatif
C, khaf de Cohen = le pouvoir sacerdotal
N, noun de neviim = le navi, le prophète et le pouvoir prophétique (verset 18 : j’établirai pour eux un prophète du milieu de leurs frères, comme toi, et Je mettrai Mes paroles dans sa bouche).
Dans la Torah, Mishkan le sanctuaire ou Tabernacle, était l’habitation provisoire de Dieu, sa résidence et le centre de ralliement de son peuple. Mon patronyme est Lévy et les Lévites sont la tribu d’Israël qui a été choisie pour servir dans le Tabernacle et plus tard dans le temple de Jérusalem. Ils étaient les assistants des prêtres, responsables de l’entretien du Tabernacle, de la garde de l’Arche d’Alliance et de l’offrande des sacrifices. Ils montaient et démontaient le Tabernacle à chaque étape du voyage. Ils chantaient aussi, chaque jour, dans le Tabernacle. Ils sont également mentionnés plusieurs fois dans Choftim.
Je suis un descendant de cette tribu des Lévy et j’attache du sens au fait que dans ma paracha figurent inscrits les thèmes et les lettres qui désignent le Sanctuaire.
En conclusion : cette paracha est difficile en raison de la pluralité des thèmes évoqués. Elle résonne avec des thèmes d’actualité qui sont encore aujourd’hui les fondements de notre justice. Cette paracha est inspirante car je la relie à un héritage familial, à un engagement auprès des plus démunis.
Je dois me préoccuper des autres, des plus pauvres. Ce message universel est également le mien. J’espère vivre dans une société dans laquelle je serai acteur et contribuer à ce qu’elle soit juste et équitable.
Retrouvez ici le commentaire de la paracha Choftim 5784 par le rabbin Josh Weiner