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Bo: le coeur “lourd” de Pharaon

Dracha prononcée par Ruben à l'occasion de sa Bar Mitsva le 30 janvier 2025

Par Ruben

Boker Tov,

Dieu dit à Moise Va chez Pharaon car j’ai alourdi son cœur et celui de ses serviteurs.  Ce passage m’a interpelé et surpris, car pour moi, il va à l’encontre d’un principe fondamental du judaïsme : le libre arbitre. Comment Dieu pouvait-il empêcher Pharaon de se plier à ses exigences, en alourdissant son cœur, et le punir pour cela ? 

De nombreux commentateurs se sont penchés sur cette question. Certains interprètent le mot Kaved /lourd par colère : la colère a rendu le cœur de Pharaon lourd. D’autres parlent de stupidité : la lourde colère de pharaon l’a rendu stupide, incapable de réfléchir et encore moins de comprendre.     

Selon Luzzato, Pharaon a toujours agi librement, mais son refus de libérer le peuple après les dernières plaies était si étrange et illogique qu’il a été attribué à Dieu.   Il pense que  Dieu a alourdi  le cœur de Pharaon, pour lui montrer que seul lui, Dieu, Est le  Maître de l’Univers et que lui seul, peut imposer Sa volonté. Pharaon a choisi le mal, et par conséquence, il est puni pour son choix. Il n’aura plus la liberté de décider de renvoyer ou non Israël. 

Sforno, lui, pense que Pharaon a choisi un certain chemin, et que Dieu n’a pas alourdi son cœur, mais l’a fortifié afin qu’il ait la force de résister à la souffrance qui est la conséquence de son choix. A ce moment-là, Il  aurait pu faire pénitence et empêcher d’autres plaies. Mais il n’a même pas essayé, préférant rester sur ses lourdes positions.                                         

Pour Maimonide, l’homme est toujours libre de choisir. Mais une fois qu’il a fait son choix, il ne peut plus en faire un autre aussi facilement. Par exemple, s’il a choisi le mauvais chemin et persiste dans ce chemin, alors la voie pour arriver au bien, lui sera alourdie.                                                  

Il ne s’agit pas de privation de liberté en tant que punition, mais d’une expression de la liberté et de ses limites. La lourdeur du cœur de Pharaon, n’annulait pas son choix, mais le rendait plus difficile. Il était toujours libre et pouvait choisir d’envoyer Israël.                                                                   

Dieu ne voulait pas rendre Pharaon plus méchant qu’il était. Au contraire Il lui offrait une occasion de faire ce qui est bien, c’est à dire, laisser partir son peuple. Mais, Pharaon, qui était incliné vers le mal, était dans l’incapacité de saisir la demande divine, et  son cœur s’est alourdi  encore plus.                            

Le Rabbin Jonathan Sacks nous apporte une recherche faite par des spécialistes du cerveau humain, qui ont découvert que les artères neuronales qui relient les différentes parties du cerveau, façonnent nos comportements, mais qu’elles ne sont pas toutes forcément bonnes pour nous. Par exemple, prendre des drogues dangereuses pour se distraire d’émotions telles que la peur et l’anxiété. 

Plus on répète un certain comportement, plus il devient instinctif et immédiat. Et plus l’action devient une habitude, plus il est difficile de s’en libérer. Et pour s’en débarrasser, on doit acquérir de nouvelles habitudes, ce qui n’est pas si simple.

En effet, une fois qu’on établit une habitude, notre capacité de choix diminue car on n’utilise plus  notre liberté de choix initiale, mais plutôt nos habitudes. 

En refusant de libérer les hébreux pendant les premières plaies, Pharaon a fixé un comportement, qui s’est enraciné en lui, et devenait difficile à changer. La lourdeur de son cœur avait pour but, de le ramener à faire un choix libre. Il fallait que la décision d’envoyer les hébreux vienne de lui-même, en toute connaissance de cause.  

Cela rejoint le Rashbam  qui nous dit, que ce n’est pas Dieu qui a alourdi  le cœur de pharaon, mais Pharaon lui-même!

Ce texte nous apprend que la liberté n’est pas une donnée absolue, mais un aboutissement. On peut la perdre, comme Pharaon et comme on peut souvent le voir chez les gens qui choisissent le mal comme la délinquance, la toxicomanie, la dépendance à l’alcool etc.

En ce qui me concerne, ce récit m’a fait beaucoup réfléchir, et m’a amené à me poser encore plus des questions sur ce thème.  Qu’est-ce que vraiment la liberté, comment l’obtenir, qui est libre et qui ne l’est pas. J’ai compris que bien qu’on ait le libre choix, tout acte entraîne des conséquences. 

C’est pourquoi, il est très important que la liberté ait des limites, surtout morales, car sans cela, la vie en société sera chaotique. Je pense aussi que quand on fait de bons choix, on est heureux et on se sent complètement libre.                                                                                                                  

J’ai encore beaucoup à apprendre. Mais pour l’instant, c’est avec un cœur léger et tout à fait libre que je voudrais vous remercier tous, qui êtes venus partager ce moment important et solennel de ma vie : la célébration de ma Bar Mistva. Votre présence me touche énormément.                                                  

Boker Tov !

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Rabbi Moché Haïm Luzzatto, nommé le Ramhal (1707 à Padoue à 1746 à Acre), est un théologien juif, kabbaliste, poète et auteur d’œuvre de morale.

Ovadia Sforno (Cesena, Italie, 1470- Bologne, 1550) est un rabbin, médecin et philosophe, considéré comme l’un des plus importants exégètes juifs de la Bible, et l’une des grandes figures du judaïsme italien à l’époque de la Renaissance italienne.

Jonathan Henry Sacks (8/03/1948Londres au 7/2020), est un rabbin, prof et commentateur de la Torah.

Rabbi Shmouel ben Meïr, plus connu sous le nom Rashbam (XI-XIIème), exégète biblique et qui a vécu en Champagne et à Rouen Petit-fils de Rachi)

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