Synagogue Massorti Paris XVe

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Bernard_Ores survivant Shoah

Bernard Orès z’l : clôture de la Chiva

Discours prononcé par Aline Benain, présidente de la communauté d'Adath Shalom Paris en hommage à Bernard Orès.

L’hommage d’Aline Benain, Présidente d’Adath Shalom

29 Tichri 5783 – 24 octobre 2022

Nous avions fini par le croire indestructible.

Nous allions célébrer « son » siècle et il ne sera pas avec nous, pas comme nous l’aurions souhaité en tout cas, quand nous lirons « sa » paracha, Haye Sarah, la « vie de Sarah », titre paradoxal lorsque l’on pense au contenu de la sidra, la « vie de Sarah », en écho à la « vie de Bernard ».

« Man tracht un Got lacht », « L’homme fait des projets et Dieu rit » rappelle le yiddish qui démarque, avec une ironie corrosive forgée par l’Histoire, la parole des Proverbes (XIX,21) : « L’homme est le maître des résolutions de son cœur, mais c’est l’Eternel qui se prononce sur elles. »

Sa famille, notre Rabbin, ont rappelé avec force et émotion une vie broyée et reconstruite dans le siècle.

Il y a huit ans qu’Irène et Bernard nous avaient rejoints comme s’ils avaient toujours été là.

Leur place seule était réservée, non par privilège dérisoire mais selon l’évidence de l’affection et du respect. Parce qu’ils étaient notre mémoire, nos questions, notre fidélité.

 נצח ישראל לא ישקר « Netzakh Israël Lo Yeshaker » – « L’Eternité d’Israël ne mentira pas. » : le verset de Samuel (1-XV,29) résonnait dans la voix de Bernard, lorsqu’il montait à la Torah ou lisait la Prière pour Israël. Ses inflexions bouleversantes laissaient entendre sa fidélité tellement éprouvée et tellement vivace, l’amour de son Peuple, une espérance en partage – « Il n’y a qu’une Humanité » disait-il – inquiète, que rien cependant n’avait pu éteindre.

La première fois qu’il témoigna ici de ses années de ténèbres, quelqu’un finit par poser la question : Et Dieu ? « Je m’en souviens, répondit-il, comme d’un amour de ma jeunesse auquel je n’ai pas renoncé ».

De cette jeunesse d’avant la Choah pourtant, il lui était très difficile de parler.

Un Chabbat, après l’une de ses conférences au Beit Midrach, comme nous l’interrogions, il raconta cette seule anecdote qui était, avec humour et douceur, une façon de nous dire qu’il ne fallait pas lui demander d’aller plus loin : « La première fois que je me suis trouvé à la table de mon grand-père pour le Seder, j’ai réussi à m’assoir bien au milieu pour être certain de tout voir, de tout entendre… et j’ai passé la soirée à faire circuler le sel des uns aux autres. »

Notre génération va se trouver très bientôt dans une situation inédite : être la première à devoir transmettre sans témoin vivant la mémoire de cet autre Temple détruit, de ces vies anéanties de Przemyśl (פּשעמישל) à Salonique, de Paris à Vilnè, de Kiev à Varsovie ou Corfou. Transmettre la mémoire de la destruction mais aussi de tout ce qui fut vivant, beau, quotidien ou extraordinaire – avant.

C’est une responsabilité vertigineuse qu’il nous revient d’assumer avec crainte (בְּיִרְאָה) et tremblement (בִּרְעָדָה) (Psaume 2,11), avec autant de détermination que de pudeur.

Puisse le souvenir vivant de Bernard nous y aider.

Puisse sa mémoire, liée à celle d’Irène, être bénédiction vive, parmi nous, pour toujours.

                                                                       Aline Benain.

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