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Michpatim: nous ferons et nous écouterons

Dracha prononcée par Elisa à l'occasion de sa Bat Mitsva le 17 février 2025

Par Elisa

Bonjour à tous!

Vous avez tous aimé le dessin animé le Prince d’Égypte, le film ou la comédie musicale « les 10 commandements » ? Vous savez, ce moment spectaculaire où Moïse reçoit les tables de la loi sur le mont Sinaï dans un nuage de feu ?

Et bien, la paracha Michpatim nous raconte ce qui s’est passé après!

Et vous allez bientôt comprendre pourquoi ils ne l’ont pas mit dans les films: pas de feu, pas de grand spectacle, juste une liste de lois sur des sujets aussi passionnants que: les prêts financiers ou encore qui doit être puni et comment si un boeuf est tué accidentellement ou si ce boeuf tue quelqu’un…

Bon, je caricature un peu mais quand même, ce n’est pas un texte facile puisqu’il traite de sujets assez éloignés de nos préoccupations actuelles et se concentre sur des points très « techniques ».

Mais il y a quand même un passage qui à retenu mon attention, c’est le moment où les hébreux acceptent la Torah avec une formulation étonnante:

כֹּל אֲשֶׁר־דִּבֶּר יְהוָה נַעֲשֶׂה וְנִשְׁמָע׃ 

tout ce que l’Eternel a dit, nous le ferons et nous écouterons.” 

C’est pas logique!   Normalement, d’abord on écoute les instructions et ensuite on agit. Ici, c’est à l’envers. J’ai d’abord tenté de réfléchir  toute seule à une explication et voila ce que je me suis dit: 

Peut être que les hébreux avaient anticipé ce que Dieu allait leur demander? Un peu comme moi quand je sais que Maman va me demander de mettre la table et que je le fais avant qu’elle dise un mot ou quand j’ai un goûter dans les mains et que je devine au regard de mon amie qu’elle va m’en demander un morceau alors j’anticipe et lui propose directement… 

Mais, pour comprendre un peu mieux, je suis allée regarder les commentaires qui ont déjà été écrits sur cette formule. 

Je dois dire que j’ai été un peu déçue car la plupart ne donnent pas de vraie “réponse” sur le sens de cette phrase. Au lieu de cela, ils insistent sur les mérites, les grandes récompenses que les hébreux auraient reçu (temporairement, puisque tout s’effondre au moment du veau d’or ou de la faute des explorateurs selon différentes opinions…) de grandes récompenses donc, pour simplement avoir prononcé cette phrase! 

On ne nous dit pas pourquoi, on nous dit juste que c’était vraiment la meilleure réponse possible au don de la Torah

Pour vous donner une idée de ces grandes récompenses, on nous dit entre autres, qu’ils ont été “couronnés par 600 000 anges” (Chabbat 88a:7) ou, encore mieux, que l’ange de la mort ne pouvait plus les atteindre! (Akéda Yitzhak 44:2:6)

On peut se demander si ce qui est mis en valeur ici est une forme d’obéissance absolue, aveugle: accepter d’appliquer des commandements dont on n’a même pas encore pris connaissance?

Je trouve ça un peu bizarre de faire quelque chose qu’on ne comprend pas! 

Le rabbin Jonathan Sacks nous donne une autre vision de l’obéissance dans le judaïsme en expliquant qu’en réalité, il n’y a pas de mot pour dire “obéir” en hébreu mais qu’à la place on utilise le mot “Chema” comme dans le “Chema Israël” ou dans mon verset “naassé ve nishma”. 

On le traduit souvent par “écouter” mais il aurait en réalité beaucoup d’autres significations, je le cite: 

Le judaïsme n’est pas une religion d’obéissance aveugle. En effet, étonnamment, dans une religion qui compte 613 commandements, il n’existe aucun mot hébreu qui signifie « obéir ». Lorsque l’hébreu a été ressuscité comme langue vivante au XIXe siècle et qu’il a fallu trouver un verbe signifiant « obéir », il a fallu l’emprunter à l’araméen : le-tsayet.

Au lieu d’un mot signifiant « obéir », la Torah utilise le verbe «shema», intraduisible en français car il signifie [1] écouter, [2] entendre, [3] comprendre, [4] intérioriser et [5] répondre. L’idée que notre plus grand devoir est de chercher à comprendre la volonté de Dieu, et non pas simplement d’obéir aveuglément, est inscrite dans la structure même de la conscience hébraïque.” 

(Jonathan Sacks, La nécessité de poser des questions) 

Il existe une interprétation de “nassé vé-nichma” qui semble aller dans ce sens et que je trouve plus intéressante ou en tout cas plus compréhensible: 

C’est l’idée que certaines choses ne peuvent être vraiment comprises qu’en les faisant. 

Ca me fait pense par exemple au violon que je pratique, ou même à la musique en général. On peut vous décrire en théorie ce que c’est que jouer d’un instrument, les émotions que cela procure, tant qu’on a pas pratiqué, tenu dans les mains cet instrument et ressenti ces émotions, on ne peut pas dire qu’on « sait » réellement ce que c’est que jouer du violon. 

C’est la même chose pour les mitsvot, dont certaines échappent à notre compréhension. Le judaïsme est avant tout une pratique et c’est en pratiquant qu’on peut le comprendre

Justement, est-ce que ce n’est pas ça « être Bat Mitsva »? 

Entrer symboliquement dans cette pratique-compréhension puisque c’est à partir de ce moment qu’on est tenu d’appliquer les mitsvot.

En m’enveloppant pour la première fois dans mon Talith aujourd’hui, en faisant pour la première fois cette mistva du talith et en récitant la bénédiction,  je suis entrée symboliquement dans cette nouvelle étape de ma vie! 

Peut être que c’est seulement à partir de la Bat Mitsva qu’on peut accéder au « Shma », la deuxième partie de la phrase « naassé venishma » c’est à dire une compréhension plus profonde du sens des mitsvot.

Avant la Bat Mitsva, c’est comme si nous n’avions que la théorie. 

Je reviens à mon exemple de la musique: au Conservatoire, on commence quand on est petit par ne faire que de la théorie, c’est-à-dire du solfège et c’est seulement après quelques années de solfège que l’on peut commencer à jouer d’un instrument.

La Bat Mitsva, c’est l’équivalent dans la vie d’un juif, c’est ce moment magique ou l’on peut enfin tenir son « instrument » entre les mains et ressentir ce que cela fait de jouer de la musique. 

Le judaïsme est une religion qui valorise l’action, rien ne sert de connaitre toute la Torah si elle ne nous transforme pas dans nos actes et ne fait pas de nous de meilleures personnes. 


Etre Bat Mitsva, c’est devenir « actrice » de cet héritage et non plus « spectatrice » comme quand on est petit.

J’ai compris aussi qu’être Bat Mitsva, ca ne veut pas dire se mettre à obéir aveuglement à tout (ça m’arrange!) mais plutôt se mettre « à l’écoute » c’est-à-dire entrer dans une pratique qui nous fait réfléchir, évoluer, nous ouvre de nouvelles perspectives. 

Chabbat shalom!

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