La paracha Pinhas par le rabbin Josh Weiner
Je me tiens ici en tant que troisième jumeau, et comme il se trouve que c’est aussi ma paracha de bar mitsva, j’aimerais ajouter quelques mots aux réflexions que chacun d’entre vous a présentées ici.
Elijah, tu as parlé de la jurisprudence, de la mise en évidence des lacunes dans le code de la loi, et du rôle des cinq filles de Tselofehad pour rendre les lois de l’héritage plus équitables. Rétrospectivement, c’est une toute petite révolution – les lois de l’héritage dans la Torah, même après l’intervention de Moïse et de Dieu, ne sembleraient pas très équitables à une femme du XXIe siècle en France. Mais la plupart des grands changements se font à petits pas. Tu as dit que tu ne voudrais pas faire partie d’une communauté où ta mère et ta sœur ne pourraient pas participer de la même façon que toi. Je dirais la même chose – mais aucun de nous deux n’aurait probablement dit cela il y a cent ans. C’est le résultat des luttes des autres qui fait que cela devient pour nous une normalité que nous refusons d’abandonner.
Un verset pour résumer la Torah
Il y a un débat entre les rabbins en divers endroits de notre tradition sur le verset le plus paradigmatique de la Torah, celui qui résume l’idée de tout ce que la Torah veut enseigner. Le plus célèbre, Rabbi Akiva, dit que c’est ואהבת לרעך כמוך, aime ton prochain comme toi-même. Rabbi Chimon ben Zoma dit que c’est שמע ישראל יי אלקינו יי אחד, écoute Israël, l’Éternel notre Dieu est un. La moins connue et la plus intéressante est la suggestion de Rabbi Chimon ben Pazi, qui cite un verset de notre paracha sur les sacrifices quotidiens. את הכבש האחד תעשה בבוקר ואת הכבש השני תעשה בין הערביים. Apportez une offrande d’un mouton le matin, et apportez un autre mouton le soir.
Dans certaines versions de ce débat, il se termine : la halakha suit Chimon ben Pazi, son verset est vraiment le meilleur. Que veut-il dire ? Il fait référence au sacrifice du Tamid, l’offrande permanente apportée chaque matin et chaque soir qui est devenue la base de nos prières quotidiennes d’aujourd’hui. Chaque jour, que tu le souhaites ou non.
Que se passe-t-il si, un jour, on ne se sent pas passionné par le chabbat ? On fait chabbat quand même. Que se passe-t-il si un jour on s’ennuie de la lecture de la Torah et qu’on a envie de lire un livre plus passionnant à la synagogue ? On lit quand même la lecture hebdomadaire de la Torah. Il y a quelque chose de restrictif dans tout cela, surtout pour beaucoup d’entre nous pour qui l’autonomie personnelle est une valeur sacrée. Mais il y a aussi quelque chose de fort et de stable dans un tel système.
Judaïsme libéral, judaïsme massorti
On me demande souvent quelle est la différence entre le judaïsme libéral et le judaïsme Massorti. L’une des différences subtiles réside dans la participation des femmes à la synagogue. Dans le judaïsme libéral, la valeur est de faire des choix informés sur la pratique juive. Ils choisissent donc, sur la base de ce qu’ils croient être juste, quelles parties de la tradition sont pertinentes et lesquelles ne le sont pas, et donc l’inclusion des femmes est évidente dans la plupart des synagogues libérales.
Dans le judaïsme Massorti, nous arrivons essentiellement à la même pratique, mais par un chemin différent. Nous trouvons dans la tradition, dans les règles du jeu, les voix qui permettent aux femmes de participer à la prière, à l’étude et à la direction. Si ces voix ont été rejetées ou si ces possibilités ont été ignorées au cours des siècles passés pour des raisons culturelles, nous ne les rejetons pas et nous ne les ignorons pas. Mais fondamentalement, même si notre pratique est différente de celle d’une synagogue d’il y a cent ans, nous nous considérons toujours comme faisant partie intégrante de la tradition. Le changement extérieur n’est pas un changement d’essence. Nous affirmons toujours la régularité, la cohérence et la stabilité : un mouton le matin, un mouton le soir. Même si les moutons se sont transformés en prières, l’essence, qui est l’engagement, demeure.
Réunir le passé et le futur
On dit souvent que le plus important est de vivre dans l’ici et maintenant, de se concentrer sur l’instant présent. Je pense que le judaïsme enseigne une perspective différente. L’instant, maintenant, est l’endroit où le passé se transforme en futur et où le futur devient le passé. Nous ressentons ces deux mouvements, nous rencontrons cette réunion du passé et du futur et nous nous sentons touchés par les deux. C’est de cette sensibilité à l’éternité, et non au maintenant, que vient le sens de la responsabilité.
Elijah, si tu veux que ta petite sœur et tes futurs enfants grandissent dans un monde portant les valeurs auxquelles tu crois, tu devras te battre pour le maintenir et le construire. Noah, tu as évoqué l’importance du minyan, et tu as tiré ta force des rencontres avec d’autres communautés juives, avec la diversité du judaïsme partout en Europe, et le sentiment d’un objectif commun. Tu as alors la responsabilité de créer ces communautés de partage et de participation partout où la vie t’emmène.
Le sens de Tamid, l’éternité, comme offrande quotidienne, signifie investir dans ce que nous avons déjà dans nos vies, et travailler dur pour le rendre pertinent pour l’avenir. C’est le défi que nous devons tous relever, et j’espère que nous y réussirons…
Chabbat shalom.