Paracha Béréchit 5783 par Claire Schwartz
Le 21 octobre 2022, Adath Shalom
Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, la lecture de la parasha Béréchit que nous lisons cette semaine, me pose beaucoup de questions existentielles.
Si nous ne remettons pas en cause les théories scientifiques de l’évolution, on peut se demander quels sont les messages que l’on peut lire dans la Torah. Quels enseignements tirer de la manière dont la création est racontée.
Y a-t-il des indices à lire entre les lignes ?
En effet, à l’heure où l’humanité est très sérieusement en danger, qu’y a-t-il a trouver dans la Torah qui pourrait nous engager à cesser de nous autodétruire comme nous le faisons depuis environ un siècle et demi ?
Avant de préparer cette dracha, si on m’avait demandé de quoi parlait la paracha Béréchit, j’aurais répondu, sans hésitation, qu’il s’agissait de la création du monde.
Aujourd’hui, je serais un peu moins catégorique sur la réponse.
Oui, le premier chapitre traite de la création du monde. Mais les 5 suivants qui font aussi partie de Béréchit ne parlent que de l’Homme et des premières générations de l’humanité.
Voilà qu’on confond « le monde » au sens des éléments, de la planète et du vivant et « l’humanité ». Un réflexe anthropocentriste extrêmement habituel mais qui me paraît dangereux.
On oublie également qu’à la fin de cette paracha, Dieu semble regretter sa création.
On au chapitre 6 versets 5 à 7 :
« L’Eternel vit que les méfaits de l’homme se multipliaient sur la terre, et que le produit des pensées de son cœur était uniquement, constamment mauvais ; et l’Eternel regretta d’avoir créé l’homme sur la terre, et il s’affligea lui-même. Et l’Eternel dit : « J’effacerai l’homme – que j’ai créé – de dessus la face de la terre ; depuis l’homme jusqu’à la brute, jusqu’à l’insecte, jusqu’à l’oiseau du ciel, car je regrette de les avoir faits. »
Ce qui m’a choquée dans ce dernier verset n’est pas tellement que Dieu envisage de détruire l’homme mauvais. Mais que les autres espèces soient elles aussi punies à cause de l’homme.
Seul l’homme est accusé d’être constamment mauvais et pourtant toutes les espèces en pâtissent.
L’homme serait-il depuis le début la cause de tous les maux de la nature ? N’y a-t-il pas une leçon à tirer de ce verset ?
J’aimerais revenir au début de l’histoire. Au premier chapitre et plus particulièrement à la création des végétaux. Dans le chapitre 1 verset 11, on peut lire :
« Dieu dit « Que la terre produise des végétaux, savoir : des herbes renfermant une semence ; des arbres fruitiers portant, selon leur espèce un fruit qui perpétue sa semence sur la terre. »
On comprend donc que la terre donne naissance aux végétaux et que les végétaux sont autonomes quant à leur reproduction.
Dieu crée ensuite les animaux de la mer, du ciel et de la terre. Et à tous ceux-ci, Il dit : « Croissez et multipliez ! remplissez les eaux, habitants des mers ; oiseaux multipliez sur la terre ! ».
Idem pour les animaux de la terre.
Tout le vivant précède l’homme et tout le vivant est autonome quant à sa reproduction.
Certes, l’homme semble là pour organiser la nature, nommer les êtres vivants, cultiver et soigner le jardin d’Eden mais il ne semble pas que l’Homme soit indispensable à la création.
On dit toutefois que Dieu a fait l’homme à son image. C’est la différence essentielle entre les hommes et les animaux. Et cette différence réside en la connaissance du bien et du mal. En la conscience. Dieu met donc un peu de lui en l’Homme et donc en chaque humain. Ensuite, grâce au libre arbitre, l’Homme peut décider de faire s’exprimer le bien ou le mal.
D’où sa déception quand au 6ème Chapitre, Dieu voit que les méfaits de l’homme se multiplient sur la terre, et que le produit des pensées de son cœur est uniquement, constamment mauvais.
Tout cela m’interroge d’autant plus que nous savons par la science que l’humanité ne représente en réalité que quelques secondes à l’échelle de la planète Terre et même de la vie sur Terre.
Et pourtant, en quelques décennies, l’Homme a réussi à détruire une immense partie de la biodiversité marine et terrestre. Nous sommes rentrés dans la 6ème extinction. Pire encore, c’est nous qui l’avons provoquée en détruisant les habitats des animaux pour construire nos routes, nos bâtiments, nos exploitations agricoles, en utilisant des pesticides et insecticides et en déréglant le climat.
Or, sans cette biodiversité, l’Homme ne pourra pas survire longtemps. Et pourtant, nous sommes, a priori, la seule espèce douée de raison. Nous sommes, selon la Torah, la seule espèce à travers laquelle Dieu peut s’exprimer. Et forts de tout cela, nous sommes la seule espèce qui est capable de s’autodétruire et c’est ce que nous faisons.
Malheureusement, aujourd’hui, ceux qui sont victimes des nouveaux déluges, tous ces réfugiés climatiques, n’ont pas vraiment d’arche pour les sauver. Cela ne veut pas dire qu’ils doivent être sacrifiés.
Et si c’était la solidarité et les penchants positifs de l’humain qui pouvaient, mis tous ensemble, représenter cette arche qui pourra sauver le vivant ?
Car, je le répète, les autres espèces n’ont pas véritablement besoin de nous. Il est probable qu’elles se porteront bien mieux sans nous.
Mais si nous voulons perpétuer l’expression de Dieu, l’humain est indispensable et pour cela il va nous falloir prendre soin de la création et révéler tout le meilleur de nous-mêmes car nous sommes les seuls qui avons le privilège de savoir.
Et comme a dit Einstein : « Ceux qui ont le privilège de savoir ont le devoir d’agir. »
Je vais conclure sur une note optimiste puisque la paracha se termine ainsi :
« Mais Noé trouva grâce aux yeux de l’Eternel ». Cette distinction est réservée à ceux qui ont le mieux mérité l’amitié de Dieu ; comme le souligne Rabbi Meir. Et tandis que l’édifice de l’humanité est sur le point de s’écroulé, Dieu concentre son amour sur un homme et une famille et il fait reposer sur eux l’avenir de l’Univers tout entier. Un seul juste est capable de sauver à lui seul toute l’humanité.
Que peut-on en retenir à notre niveau ?
Et bien que chacune de nos actions en faveur d’un monde plus juste et plus respectueux de la création compte. C’est de cela que parlait Pierre Rabhi (qui n’a rien avoir avec un Rabbi de chez nous, qu’on s’entende) quand il racontait la fameuse légende du colibri.
Pierre Rabhi était un essayiste, romancier, agriculteur, conférencier et écologiste français. Et voilà la légende amérindienne qu’il racontait toujours :
« Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre.
Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : “Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu !
«Et le colibri lui répondit : “Je le sais, mais je fais ma part.” »
Peut-être que beaucoup ne participent pas à sauver l’humanité, mais nous, nous pouvons faire notre part.
Chabbat Chalom !
Retrouvez ici le commentaire de la paracha Béréchit 5783 par le rabbin Josh Weiner